les ONG ne font pas le « jeu des passeurs », elles sauvent des vies et leur action est inconditionnelle. Avec 67 associations, FORIM a signé la lettre ouverte au président de la République Emmanuel Macron.
Paris, le jeudi 26 juillet 2018 – Coordination SUD, qui regroupe 167 ONG françaises, dénonce avec force l’incurie de l’Union européenne qui fuit ses responsabilités en Méditerranée en passant la main à la Libye : un pays non-sûr dont les violations des droits humains sont abondamment dénoncées. Elle proteste contre les nombreux obstacles auxquels les ONG doivent faire face pour mettre en œuvre leurs actions d’urgence en mer et le discrédit dont elles font l’objet.
La période estivale ne marque pas l’arrêt des drames en Méditerranée. L’image de Joséphine, femme Camerounaise miraculeusement sauvée par une ONG espagnole au large de la Libye mi-juillet est là pour nous le rappeler. Elle questionne la coordination des secours sur une des routes les plus meurtrières au monde. Les autorités européennes misent sur la Libye, qui s’est vue récemment confier une zone étendue de sauvetage au large de ses côtes. A l’instar du centre de coordination de secours qui opère à Rome et veille sur la Méditerranée centrale, le centre libyen sera en charge de repérer les bateaux en détresse, d’identifier l’embarcation en charge du sauvetage et d’indiquer le port de débarquement.
Le droit maritime international impose un accostage dans un port sûr où la protection des personnes rescapées est garantie. Or, la Libye n’est pas signataire de la Convention de Genève sur les réfugié.e.s. Les violations des droits humains des personnes migrantes par ce pays ont été largement documentées par les ONG : détention arbitraire, viols, torture, travail forcé, privation de nourriture, extorsion, homicides, etc. Pour Coordination SUD, une ligne rouge est franchie : « Ce drame humain aux portes de l’Europe ne peut laisser personne indifférent. Confier aux autorités libyennes la gestion des sauvetages dans le contexte que connaît le pays et le sort qui y est réservé aux réfugié.e.s revient à abandonner des personnes vulnérables à leur triste sort. C’est proprement lâche et irresponsable. Il est temps que l’UE renoue avec ses valeurs fondatrices », s’insurge Philippe Jahshan, président de Coordination SUD.
Victimes d’une campagne de discrédit, amalgamées aux réseaux criminels, les ONG sont confrontées à de nombreux obstacles dans la conduite de leur action humanitaire qui rend le sauvetage en mer quasi impossible. Le président de la République, Emmanuel Macron, les accuse de faire « le jeu de passeurs », les membres du Conseil européen réunis fin juin les exhortent à ne pas obstruer l’action de gardes-côtes libyens, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, enfonce le clou en déclarant : « nul ne devrait entretenir le modèle économique des passeurs et des trafiquants des êtres humains qui exploitent les misères humaines ». Pourtant les ONG opèrent dans le strict respect du droit maritime international et sont surtout guidées par l’impératif humanitaire qui constitue un des fondements de nos démocraties.
« La plupart des ONG ont été contraintes d’arrêter leurs opérations, rendant la Méditerranée encore plus dangereuse. Si la Libye est désormais responsable de la coordination des secours au large de ses côtes, les ONG de sauvetage auront le choix entre obéir aux injonctions de Tripoli et déroger ainsi aux obligations du droit de la mer ou celui d’agir dans le respect des règles du droit maritime international, et donc de se placer en désobéissance civile », précise Pauline Chetcuti, cheffe de file de la commission Humanitaire de Coordination SUD. « L’impératif humanitaire de sauver des vies doit primer sur les intérêts politiques de l’Union européenne. Le sauvetage en mer par les ONG doit être sanctuarisé » martèle-t-elle encore.