Hamedy Diarra est un important militant associatif de la diaspora malienne en France depuis 1976 où il a commencé son engagement dans les mouvements de lutte pour la libération de Nelson Mandela et contre l’apartheid. Un militant infatigable de toutes les luttes des migrants des années 70 et 80, qui ont notamment abouti en 1981 à l’obtention du droit de création des associations par les migrants. Il est aussi un responsable associatif de haut niveau au Haut Conseil des Maliens de France (HCMF) et au FORIM.
Hamedy Diarra s’est aussi engagé dans de très nombreuses études-actions et formations portant sur la migration, sur le rôle des migrants dans le développement de leur pays d’origine auprès de nombreux organismes en France.
Il a également mené de nombreuses interventions dans des colloques, séminaires et stages sur l'immigration en France et en Europe, a organisé des rencontres entre acteurs sociaux, institutions et collectivités locales.
Il a publié des articles dans les journaux et revues en Europe comme Hommes & Migrations, La Croix, Techniques Financières & Développement, Demain le Monde, Antipodes. Enfin, Hamedy Diarra fait partie de l’équipe de recherche du G.R.E.M (Groupe de Recherche et d’Etude sur Migrations et Transformations Sociales).
Le Mali, a une superficie de 1 241 238 km² pour une population de 19,5 millions d’habitants (2018), qui se répartissent entre 42% d’urbains et 58% de ruraux (2018). Cette population a une espérance de vie à la naissance de 65,7 ans pour les hommes et 68,2 ans pour les femmes (2016), et un taux de fécondité de 6,06 (2016). Le taux d’alphabétisation des 15 ans et plus est de 45% pour les hommes et 22% pour les femmes (2015)
Une prise de conscience tardive
Au Mali, la population s’est vraiment sentie concernée par la pandémie de coronavirus quand on a appris que trois cas de Maliens étaient déclarés, à la mi-mars. Il s’agissait de Maliens rentrés de France. La population au Mali a pu mettre un nom sur des personnes, ce qui a provoqué une prise de conscience collective.
Les derniers chiffres connus au 26 avril 2020 sont 389 cas confirmés, 112 cas soignés et 23 décédés.
Les mesures prises par les autorités
Le président de la République du Mali Ibrahim Boubacar Keïta a décrété l'état d'urgence, instauré un couvre-feu de 21h à 5h du matin, décidé de fermer les lieux publics et de recommander les « gestes barrières ». Mais pas de confiner la population. Il y a eu un débat car le second tour des élections législatives s’est quand même tenu le 19 avril.
Les chefs religieux, se sont mobilisés pour soutenir ces mesures, notamment de fermeture des lieux publics dont les mosquées. Ainsi, le président du Haut Conseil Islamique du Mali a produit une vidéo expliquant d’une façon pédagogique qu’il faut se protéger et protéger les autres, en puisant dans les références historiques de l’Islam.
Cependant, les gens ont du mal à suivre les attitudes barrières qui imposent de rompre avec les gestes de salutation qui s’effectuent dans la proximité.
La situation de blocage des transports et d’interdiction de rassemblement pénalise durement les personnes qui vivent au jour le jour dans des activités informelles. Les autorités ont pris des mesures de soutien aux personnes démunies comme la prise en charge des factures d’électricité et d’eau, et la distribution de denrées notamment en riz et en lait. Les coupures d’eau et d’électricité, récurrentes, compliquent fortement la situation des personnes vulnérables. Comment se laver les mains si on n’a pas d’eau ?
Des importations massives de céréales ont été effectuées pour assurer la sécurité alimentaire au niveau national. Cependant, au niveau des personnes, la distribution vers les familles nécessiteuses reste problématique.
Mais la solidarité de proximité, au sein des familles, reste forte et permet de dominer ces situations difficiles.
Ainsi, les initiatives de fabrication des masques en tissu se multiplient, notamment par les artisans couturiers, en suivant un modèle homologué fourni par l’Etat.
Un vrai risque, la situation alimentaire
Il y a bien sûr la pandémie qui complique la vie quotidienne de toute la population, mais il y a une autre menace, peut être plus sérieuse. Cette année, les cultures sont affectées par un manque de pluie, notamment dans la région Ouest (Kayes), et la situation risque de devenir sérieuse sur le plan alimentaire dans un ou deux mois. On a ainsi un cumul de difficultés liées à l’insécurité, aux raisons climatiques, qui s’ajoutent aux difficultés sanitaires qui proviennent de la pandémie.
Inquiétude au Mali pour les parents émigrés
Au Mali, les gens sont plus inquiets pour leurs parents vivant en France, compte tenu de l’importance des contaminations et des décès qui y surviennent.
En France, la communauté malienne a été durement touchée. A ce jour, près de 40 personnes sont décédées. Ces décès posent un grave problème de transfert des corps. Les vols entre la France et le Mali sont suspendus actuellement. En conséquence, les corps des personnes décédées sont placées dans des morgues saturées, en attente en attente de lieux d’inhumation dans un cimetière en France.
Une partie importante de la communauté est au travail en France dans les métiers essentiels, notamment dans le gardiennage, mais aussi dans des secteurs qui ne permettent pas de pratiquer le télétravail.
Le jeûne du mois de Ramadan se passe bien, mais on ne peut pas aller à la prière collective à la mosquée. Les gens prient chez eux.
La solidarité au sein de la communauté malienne en France reste très forte. Elle est « naturelle », on en parle peu, mais elle est présente et assure une sécurité certaine aux familles. Les actions de soutien se font entre personnes qui se connaissent directement.
Des transferts d’argent difficiles vers les familles au Mali
Il y a un vrai problème pour transférer l’argent vers les familles au pays. Avant le confinement, les transferts d’argent s’effectuaient directement par l’intermédiaire de personnes connues dans la communauté.
Maintenant, il faut passer par des agences, et il faut chercher des agences ouvertes, elles sont bien rares. On en trouve cependant quelques-unes dans des épiceries tenues par des maghrébins, indiens ou pakistanais, et elles permettent d’assurer un transfert seulement vers les grandes villes du Mali, le jour même, mais reste très limités. Les familles manquent le soutien financier habituel, surtout en période de Ramadan.
Interview recueillie par Jacques Ould Aoudia, le 28 avril 2020
Chronique rédigée de Hamedy Diarra par Jacques Ould Aoudia, vice-président de Migrations & Développement
Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala
Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana
Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s
Alors que le monde semble en suspens depuis l’annonce du confinement, le tragique impact laissé par le Covid-19 a de forts impacts sur la solidarité internationale et ses activités. En effet, À cause de la pandémie de coronavirus, les travailleurs migrants pourraient envoyer moins d'argent dans leur pays d'origine, soit 20% de moins selon la Banque Mondiale. Frontières fermées et mobilité limitée, les Organisations de Solidarité Internationale issues de l’Immigration (OSIM) sont partagées entre le respect du confinement pour préserver la santé de tous et développer des actions et mobiliser leurs réseaux au service de leur pays d’origine.
L’appel à projets PRA/OSIM 2020 ayant été lancé le 16 mars 2020, plusieurs questionnements en sont ressortis sur comment bien assurer son déroulement. Le FORIM a donc constitué un groupe de travail spécial covid-19 afin d’apporter différents appuis aux initiatives de solidarité faites par ses membres, dont l’organisation des Opérateurs d’Appui Labellisés (OPAP), acteurs cruciaux du dispositif du PRA/OSIM via l’accompagnement appuyé offert aux OSIM pour répondre à l’appel à projets. Ibrahima Diabakate et Moussa Drame, chargés d'appui du RAME (Réseau des Associations Mauritanienne d’Europe), Opérateur d'Appui Labellisé PRA/OSIM cette année, ont voulu faire part de leur retour d’expérience sur leur méthode d’organisation en période de confinement.
1. Quelle a été la réaction du RAME quand l'appel à projets a été lancé ?
Nous avons totalement compris que l’appel à projets PRA/OSIM devait se poursuivre et nous avons vite essayé de trouver des solutions. Nous avons rapidement contacté notre trésorier afin d’acheter une licence ZOOM, suite à son utilisation fréquente au FORIM, et pouvoir organiser nos réunions grâce à cet outil.
2.Est-ce qu’il a été simple de mobiliser votre réseau d'OSIM et les réunir sur ZOOM ?
Oui et je tiens à remercier l’équipe technique du FORIM grâce à son partage d’expérience qui nous a conforté dans notre choix, notamment grâce à la mise à disposition d’une formation à l’outil version organisateur et utilisateur. Pour nous, ça représente une opportunité de sensibiliser les OSIM à utiliser des outils en ligne qui devait arriver tôt ou tard et nous pensons qu’elles aussi sont motivées à s’adapter pour leur permettre d’être accompagnées dans les meilleures conditions possibles.
La mobilisation des OSIM s’est faite de manière assez simple, plusieurs OSIM nous contactent pendant l’année et nous faisons en sorte de garder contact et de les notifier dès que l’appel à projets est lancé. On les encourage d’ailleurs à commencer à se familiariser avec le dossier de candidature de l’année précédente et le remplir progressivement. Il y aussi ceux qui ont été accompagné l’année dernière mais dont le dossier n’a pas été déposé soit par manque de temps ou manque de réflexion sur leur dossier.
Nous nous sommes assurés de bien expliquer aux OSIM qu’au vu des circonstances actuelles, nous devions nous adapter pour faire en sorte de leur fournir un accompagnement de qualité, nous avons essayé de simplifier au maximum le processus d’accompagnement en ligne pour ne décourager aucun porteur de projet peu importe son expérience.
3. Quelles sont les principales difficultés en tant qu'OPAP en période de confinement ?
Nous avons identifié 3 types de difficultés pour l’instant. La première est liée au matériel, il y a des OSIM qui n’ont pas forcément d’ordinateur pour se connecter et le font via leur téléphone, ce qui peut faire l’affaire pendant les réunions d’information. Mais quand il s’agit d’ateliers d’écriture cela est plus compliqué car nous projetons essentiellement et avons recours au partage d’écran.
La deuxième est liée à l’environnement au sein des foyers de chacun. Beaucoup sont des parents avec des enfants, ou n’ont simplement pas l’espace adéquat pour pouvoir se concentrer dans les bonnes conditions. Et la troisième, et celle qui nous inquiète le plus, est liée aux compétences techniques des porteurs de projet qui ne sont malheureusement pas encore autonome quant au montage de leur dossier. Ce public représente au moins 60% des OSIM qui font appel à nous et sont généralement des associations villageoises. Et quand on n’a pas d’expérience en montage de projet c’est souvent compliqué la première fois. Jusqu’à maintenant, nous arrivons à nous organiser mais à voir sur le long terme. Nous pensons nous orienter vers un accompagnement personnalisé.
4. Combien d'ateliers d'écriture/réunions d'information ont été organisé jusqu'à maintenant ? Est-ce que ça s'est bien passé ?
Pour l’instant nous avons organisé deux réunions : une réunion d’information pour expliquer l’appel à projets PRA/OSIM, nous avions réussi à réunir 40 personnes sur ZOOM pendant la 1ère réunion d’information, avec en plus une partie de l’équipe technique du FORIM que nous remercions pour leur présence.
Nous avons mis en place un drive et avons invité toutes les OSIM à créer un espace afin d’y transférer leurs dossiers, ça permet déjà d’avoir un espace collaboratif et faire le point sur combien de projets sont éligibles, combien ont besoin d’accompagnements et leur état d’avancement. Nous avons ensuite organisé une deuxième réunion pour faire un état des lieux approfondi car beaucoup assistent au début en ayant simplement une idée mais ne vont pas jusqu’au bout. Nous en sommes à 12 projets qui nous ont été envoyé jusqu’à maintenant.
Nous avons aussi fait une réunion d’équipe au sein du RAME pour se répartir les OSIM en groupe sur 4 chargés d’appui afin de pouvoir fournir un accompagnement personnalisé.
5. Est ce que vous pensez que ce confinement aura un impact sur la qualité et l'éligibilité des projets déposés ?
Nous pensons qu’effectivement il y aura des impacts, notamment sur le nombre de projets éligibles déposés. Avec le confinement, peut-être que notre capacité d’accompagnement va être limitée.
Autre impact aussi sur les porteurs de projet qui n’ont pas l’expérience et les compétences techniques qui sont souvent des associations peu structurées et ça nous tient vraiment à cœur de les accompagner et d’avoir au moins une association de ce type qui dépose son projet mais malheureusement cela risque d’être très compliqué avec le confinement.
Nous pensons même qu’elles ne prendront même pas la peine de solliciter un accompagnement car le numérique représente un grand frein. Les associations éloignées ou qui n’ont pas forcément des personnes de leur entourage pour les aider seront surement malgré elles mises de côté.
Toutefois pour rester positif, cette situation peut très bien présenter une bonne opportunité pour faire accepter le changement numérique qui est en cours au PRA/OSIM via son chantier de dématérialisation. Tous les changements sont difficiles à accepter mais le numérique représente l’avenir et reste un excellent moyen de réunir toute OSIM venant du nord ou du sud – à noter même qu’on a déjà eu des associations locales du sud et partenaires de nos OSIM qui ont pu participer à nos réunions grâce à cela et bénéficier aussi de notre accompagnement.
Vous pouvez visionner différents ateliers d'écriture et réunions d'information donnés par le RAME (Réseau d'Associations Mauritaniennes d'Europe) avec différents témoignages sur leur méthodologie d'accompagnement des OSIM en tant qu'Opérateur d'Appui
Le pays, à cheval sur l’équateur, s’étend sur 1 500 km du nord au sud et 425 km d'est en ouest. Une population 5, 3 millions d’habitants répartie sur une superficie de 341 821 km2 parcourue par de nombreux cours d’eau dont 2 grands : le fleuve Congo, arrose la zone nord forestière marécageuse et poissonneuse riche de plusieurs affluents (tracés bleus sur la carte) ; 2è plus grand fleuve du monde en débit (80 832 m3/s) après l’Amazone, et le Kouilou-Niari qui arrose la zone sud constituée de savanes aux terres fertiles et agricoles.
La population et les infrastructures de transport : le Congo Brazzaville est classé 176° en indice de développement humain (IDH= 0,60 en 2016). Les taux d’alphabétisation en Français sont de 80,9 % (2015). Les taux de natalité et de mortalité sont respectivement de 35.10 et 9,7 pour 1000. L’espérance de vie est de 64,30 ans (2016). L’UNICEF estime qu’au moins 26 % des enfants de moins de 5 ans sont victimes de malnutrition chronique, 14 % d’insuffisance pondérale et 7% de maigreur.
La population est jeune, et plutôt concentrée dans les villes. Brazzaville la capitale administrative compte 1,8 millions d’habitants (2017) et Pointe-Noire la capitale économique, ville portuaire et pétrolière est de 1,16 millions d’habitants. Les fonctionnaires retraités sont à plus de 18 mois de retard de pension, et les employés des collectivités locales de l’intérieur du pays sont à plus de 30 mois de retard de salaires.
Les infrastructures routières sont constituées de deux grands axes routiers : la route nationale 1 (RN1 ou route du sud), longue de 520 km environ, relie Brazzaville à Pointe-Noire ; elle a été bitumée de 2008 à 2016. La route nationale 2 (RN2 ou route du nord) longue de 850 km relie Brazzaville à Ouesso (bitumée de 1976 à 1985).
Le chemin de fer est constitué de deux axes : Brazzaville – Pointe Noire en passant par Dolisie (512 km, construit de 1921 à 1934), et un embranchement qui relie Dolisie à MBinda à la frontière avec le Gabon (285 km, construit de 1959 à 1962) permettait d’évacuer le manganèse et le bois du Gabon jusque dans les années 2000.
Les langues de communications sont le Français, le Lingala et le Kituba (encore appelé « Kikongo »).
La population et les infrastructures de transport : le Congo Brazzaville est classé 176° en indice de développement humain (IDH= 0,60 en 2016). Les taux d’alphabétisation en Français sont de 80,9 % (2015). Les taux de natalité et de mortalité sont respectivement de 35.10 et 9,7 pour 1000. L’espérance de vie est de 64,30 ans (2016). L’UNICEF estime qu’au moins 26 % des enfants de moins de 5 ans sont victimes de malnutrition chronique, 14 % d’insuffisance pondérale et 7% de maigreur.
La population est jeune, et plutôt concentrée dans les villes. Brazzaville la capitale administrative compte 1,8 millions d’habitants (2017) et Pointe-Noire la capitale économique, ville portuaire et pétrolière est de 1,16 millions d’habitants. Les fonctionnaires retraités sont à plus de 18 mois de retard de pension, et les employés des collectivités locales de l’intérieur du pays sont à plus de 30 mois de retard de salaires.
Les infrastructures routières sont constituées de deux grands axes routiers : la route nationale 1 (RN1 ou route du sud), longue de 520 km environ, relie Brazzaville à Pointe-Noire ; elle a été bitumée de 2008 à 2016. La route nationale 2 (RN2 ou route du nord) longue de 850 km relie Brazzaville à Ouesso (bitumée de 1976 à 1985).
Le chemin de fer est constitué de deux axes : Brazzaville – Pointe Noire en passant par Dolisie (512 km, construit de 1921 à 1934), et un embranchement qui relie Dolisie à MBinda à la frontière avec le Gabon (285 km, construit de 1959 à 1962) permettait d’évacuer le manganèse et le bois du Gabon jusque dans les années 2000.
Les langues de communications sont le Français, le Lingala et le Kituba (encore appelé « Kikongo »).
Le pétrole offshore représente plus de 70% des recettes de l’Etat, et est exploité par TOTAL (le plus important producteur, 60% officiellement), ENI, Exxon Mobil et Chevron-Texaco au large de Pointe-Noire dans l’océan Atlantique. Une production estimé à 105 millions de barils en 2011 qui s’est effondrée à partir de 2016, provoquant le départ de plus de 75% des expatriés européens et la faillite de nombreuses petites et moyennes entreprises.
Le taux de chômage pourrait frôler la barre de 46% de la population. La production pétrolière officielle actuelle est de 350 000 barils de pétrole par jour.
Le pays a connu deux épisodes de guerre civile meurtrière, en 1993 puis 1997-2000 qui ont dévasté les systèmes de santé et d’éduction. Englué dans une dette estimée à 10,7 milliards de dollars (117% du PIB), le Gouvernement a conclu en juillet 2019 un accord avec le Fond Monétaire international de 448,6 millions de dollars (399 millions d’euros) avec libération d’une première tranche 44,9 millions de dollars. La suite est conditionnée par la réduction d’une corruption endémique et l’amélioration de la gouvernance.
Une histoire vécue représente bien les faillites du système de santé
En novembre 2019, le représentant à Brazzaville d’une OSIM membre de CAPCOS (*), cadre de la fonction publique, a été victime d’une hernie discale lui paralysant le pied droit. Transporté au plus grand hôpital de Brazzaville, le CHU appelé couramment « l’Hôpital Général », les médecins lui prescrivent un scanner (IRM). Des 3 scanners de la ville, un seul était en état de fonctionnement : celui d’une petite clinique privée située près du CHU. Le malheureux patient venait d’avoir 60 ans, c’est-à-dire l’âge de la retraite d’office. Il s’est donc retrouvé sans ressources, son dossier de demande de prolongation de deux années supplémentaires déposé un an plus tôt à la demande de son ministère de tutelle, n’avait pas été signé par le ministère des finances. Comme d’habitude la solidarité familiale de la diaspora de France s’était organisée pour lui venir en aide. Après le scanner, deux des trois médecins traitants firent pression pour qu’il accepte une opération chirurgicale, tandis que le troisième (le chef hiérarchique) préconisait d’attendre d’abord l’effet des médicaments administrés. Coût de l’opération 1 700 000 CFA (2 590 €). Le malheureux avait beau clamer son dénuement, donc son incapacité à trouver une telle somme, les deux médecins sont revenus sans cesse mettre la pression pendant 7 jours, en l’absence de leur supérieur hiérarchique. Les donateurs de la diaspora furent prévenus par d’autres médecins de tout faire pour éviter l’opération chirurgicale car, le CHU de Brazzaville, devenu « C-Hache tUe » , il n’en sortirait pas vivant compte-tenu du sous-équipement, de l’insuffisance des compétences et des conditions déplorables d’exercice.
Fort heureusement, sa jambe commença à reprendre des forces. Le Médecin-chef lui prescrivit des séances de kiné et le renvoya chez lui après 15 jours d’hospitalisation. La pauvreté l’avait donc sauvé d’une mort presque programmée, susceptible d’être provoquée par la cupidité d’une partie de l’équipe soignante, qui pensait plus à assurer les recettes de la survie quotidienne, qu’à préserver la santé des malades (une situation très courante là-bas, aux dires de beaucoup de personnes). La solidarité de la diaspora de France avait aussi joué son rôle d’amortisseur des souffrances des populations.
Dès l’annonce par le gouvernement de la date de début du confinement, planifiée au le 1er avril 2020, il a été observé un grand mouvement de déplacement des populations de Brazzaville et Pointe-Noire vers l’intérieur du pays, les villages. De nombreuses personnes ont pris d’assaut les bus et autres moyens de déplacement. Les phrases entendues « au village au moins, on peut manger. Pour la santé on s’en remet à Dieu ».
Dès que les premiers cas de décès du COVID-19 ont été connus fin mars, les pouvoirs publics ont instauré le confinement et le couvre-feu. Mardi 1er avril, premier jour de confinement, le Congo déplorait officiellement 22 cas de COVOD-19 dont 2 décès. Les populations parlent de « villes mortes » : pas de circulation de voitures, de taxis, de petits bus privés appelés « Foula-Foula ou Cent-Cent », référence au prix du billet pratiqué naguère à l’instauration du système. Seuls véhicules autorisés dans Brazzaville et Pointe-Noire, les grands bus de la Mairie, appelés « les mal-à-l’aise » (qui ne circulent pas dans tous les quartiers), les motos, les bicyclettes, « les pousse-pousse » (une sorte de chariots à 2 roues poussés à la force des bras ; habituellement utilisés en ville pour transporter des marchandises sur de très courtes distances et à moindre coût, transportent actuellement les personnes, faute de taxis), et bien entendu les véhicules des militaires et policiers, des autorités et quelques rares ambulances. Fermeture des débits de boissons, des lieux de culte et des marchés au tout début (la principale activité des populations et source de revenu quotidien pour survivre). Heureusement que les marchés ont été réouverts après deux semaines, pour les lundi, mercredi et vendredi, peut-être en raison de la multiplication des pillages nocturnes des épiceries à Brazzaville. Liaisons interrompues entre les villes. Pour circuler dans la ville en voiture particulière, il faut obtenir un laisser-passer délivré par les mairies d’arrondissements à Brazzaville. Deux semaines après, cette prérogative a été recentralisée à la direction générale de la police, située au centre-ville. Il est devenu pénible pour les populations de la périphérie, de se rendre à pied au centre-ville pour obtenir un laisser-passer qui permet d’emmener ensuite un malade à l’hôpital.
Dans les villes moyennes du Congo, il n’y a pas de bus « mal-à-l’aise ». Lorsque nous avons posé la question du confinement aux représentants de nos OSIM, ils nous ont répondu : « ici les policiers et gendarmes veillent au respect des consignes, pas de voitures particulières, laisser-passer obligatoire pour circuler même à moto, pas plus de trois passagers dans une « voiture-taxi » ou « voiture-bus » appelé « cent-cent ». Y a-t-il port de masque ? Non.
En France, le confinement a été instauré pour casser la vitesse de propagation du virus afin d’éviter la saturation du système sanitaire de réanimation. Au Congo le confinement a été instauré pour un mois et prolongé jusqu’au 9 mai, dans l’espoir d’enrayer très tôt la progression du virus car le système de santé de réanimation est inopérant, presque inexistant.
Une expression fait fureur actuellement dans certains quartiers de Brazzaville. Le COVID-19 a donné naissance à trois autres virus tout aussi virulents : « la pochevide-20 », « le frigovide-20 » et « le ventrevide-20 ». Les symptômes observables sont : « douleurs abdominales », « pleurs des enfants » et « colère généralisée dans le foyer ». Le traitement prescrit : l’argent et la nourriture.
Afin de remonter le moral de nos interlocuteurs au téléphone, il nous arrive de leur faire observer que la proportion de population âgée de plus de 75 ans est très faible et qu’il y a peu de comorbidité de type diabète, insuffisance rénale et difficulté respiratoire dans les couches populaires de la société. Bien que l’hypertension et l’asthme soient plus fréquents, les individus âgés de plus de 60 ans sont issus d’une sur-sélection naturelle, donc sont des forces de la nature. De là viendra peut-être le salut, en association avec le confinement s’il ne dure pas trop longtemps.
L’association des commerçants Mauritaniens du département de la BOUENZA a offert au Préfet, samedi 18 avril, des denrées alimentaires d’une valeur de 4 000 000 FCA (6 098 euros) à distribuer aux populations vulnérables : riz, huile d’arachide et savon. Il faut souligner que le commerce de détail est entièrement aux mains des Libanais, Mauritaniens et ressortissants de l’Afrique de l’ouest. Un héritage de la période communiste du pouvoir politique (1969 – 1992) qui interdisait l’exercice de toute activité capitaliste aux Congolais. Le département de la Bouenza est le 4è foyer de peuplement du Congo avec 310 000 habitants environ.
Les quelques images (ci-dessous) illustrent le travail de l’OSIM ASU (Association de Solidarité Universelle) membre de CAPCOS qui mène actuellement des actions dans un quartier populaire de Brazzaville. L’association organise la confection artisanale de masques avec le tissu WAX (non sanitaire) et leur distribution, la mise à disposition de patron de confection pour la fabrication de masques. En partenariat avec d’autres OSIM françaises, elle met en place la distribution de kits alimentaires.
Bien entendu, d’autres associations et quelques personnalités tentent de soulager, ici et là, la grande détresse dans les quartiers populaires des deux grandes villes. Mais ce ne sont que des gouttes d’eau dans un océan de misère. Alors, les populations sont lasses en cette fin de mois d’avril, et dans certains endroits, les consignes du couvre-feu et du confinement sont de moins en moins respectées, en dépit d’une présence policière importante. Aux injonctions des policiers, certaines vendeuses le long des rues rétorquent : « à quoi bon mourir de faim pour préserver une vie de misère ? ».
Chronique rédigée par : Ernest Moussoki, Président de CAPCOS, Coordination d’Appui aux Projets de Solidarité Internationale pour le Congo Brazzaville
Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala
Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana
Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s
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L’environnement
D’une longueur de 1600 kms et de 580 kms dans sa plus grande largeur, la grande île est située au Sud-ouest de l'Océan Indien, séparée de 400 kms du continent africain par le Canal de Mozambique. En 2019, Madagascar occupe le cinquième rang du classement des pays qui produisent le moins de richesses par habitant, avec un PIB par habitant de 471 dollars pour une population de 27,06 millions d'habitants.
Au classement IDH, la Grande-île a reculé au 161e rang sur 189 pays. Les inégalités sociales y sont très marquées. Madagascar est l’un des pays les plus pauvres au monde avec 74 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté et 50% en situation d’extrême précarité. Le taux de couverture sociale est inférieur à 20%. 37% de la population vivrait en zone urbaine. 11% des actifs sont salariés (89% relèvent donc du secteur informel)
La population est jeune : 64% de la population a moins de 25 ans, 47% moins de 15 ans. Cette jeunesse de la population caractérise une demande sociale croissante en éducation, santé, emplois, logements et infrastructures, et pose de fait un défi environnemental.
Carte des cyclones tropicaux majeurs (de catégorie 3 et plus) ayant frappé Madagascar entre 1983 et 2016. Source : Historical Hurricane Tracks, NOAA (Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique
Données santé et données sociales[ii]
Des problèmes sanitaires cruciaux persistent à Madagascar, problèmes aggravés par les urgences cycliques et les cataclysmes naturels (cyclones et inondations, sècheresse, sauterelles, …). Dans la perspective d’une expansion de COVID-19, les éléments de risque suivants pourraient fragiliser la population malagasy et le système de santé dans son ensemble :
- Les personnes âgées de 60 ans et plus représentent 5% de la population. Les maladies cardiovasculaires constituent le premier motif d’hospitalisation des personnes âgées avec 38% des cas. 3,9% des malades hospitalisés sont affectés de diabète. 11,6% des hospitalisations sont dues aux affections broncho-pulmonaires.
- Les maladies non transmissibles sont responsables de 49% des décès dans le pays. En outre, 36 % de la population présente une hypertension artérielle (HTA) et 880 000 sont diabétiques (2014).
- Les indicateurs de santé maternelle et infantile sont à des niveaux particulièrement inquiétants. La prévalence des Infections Respiratoires Aiguës chez l’enfant est passée de 3 % en 2008 à 11 % en 2012. La proportion d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition chronique avec retard de croissance stagne à un niveau élevé de 47 % en 2012. Le ratio de mortalité maternelle reste à un niveau élevé depuis deux décennies. Pour 100 000 naissances vivantes on recense encore 478 décès maternels en 2012 et 23,6% de ces décès sont dus aux septicémies.
- Enfin, la persistance des maladies infectieuses et tropicales met en lumière des problèmes structurels d’accès à l’eau potable, d’hygiène et d’assainissement. En corollaire, le taux d’incidence du paludisme (nombre de personnes susceptibles d’être infectées) est passé de 6% à 12% de 2010 à 2015, avec une recrudescence particulière dans les régions Sud-est et Sud- ouest. En 2013, la prévalence du paludisme était de 9 %.
- De même, le nombre recensé de cas de tuberculose a augmenté de 3,1% entre 2014 et 2015. L’Ile constate par ailleurs 1500 nouveaux cas de lèpre par an et recense le plus grand nombre de cas de peste au monde, avec 515 cas rapportés en 2015.
- 2017 a connu un épisode épidémique de peste pulmonaire et bubonique violent qui a été particulièrement traumatisant pour la population. On aura constaté à Madagascar 75% des cas de peste recensés dans le monde par l'OMS
- Les maladies tropicales négligées (filariose, bilharzioses, cysticercose...) restent de forte prévalence.
- Une épidémie de rougeole meurtrière (2018-2019) s’est caractérisée à Madagascar par 115 000 cas recensés et 1 200 décès. A sa source, la faiblesse de la couverture vaccinale, aggravée par la malnutrition infantile.
[iI] ibid
Le système de santé malagasy, fortement tributaire des aides extérieures et sans stratégie claire de financement, souffre en outre d’une faible capacité de leadership, accentuée par l’instabilité institutionnelle et sociopolitique et un faible alignement des parties prenantes, en termes de priorité. La faiblesse de la gouvernance (équité, éthique, transparence et redevabilité sociale) engendre par ailleurs un déficit de confiance des bénéficiaires vis-à-vis du système qui laisse mal augurer la transparence et la solidité d’une remontée d’information des données épidémiologiques de la part du public
Les ménages supportent une grande partie des dépenses en santé (près de 40% de leur budget), par paiements directs avec un système de prévoyance sociale, notamment en faveur des couches vulnérables, notoirement insuffisant.
L’expérience de la lutte contre la drépanocytose à Madagascar, lutte pilotée par une ONG issue de la diaspora, illustre cruellement les difficultés d’un programme d’actions contre une pathologie donnée. Quant à cette maladie les causes de mortalité précoce au sein de la population malagasy, notamment au cœur des zones enclavées, sont majoritairement liées aux difficultés d’accès aux soins, au manque de moyens techniques, aux difficultés et errances de diagnostics et enfin, aux carences d’information et d’éducation. Reflétant les faiblesses du système de santé, les effectifs des malades atteints de cette maladie génétique seraient en expansion, alors qu’ils devraient être contrôlés par de seules mesures d’information, d’éducation et de prise en charge. Il est à l’instar imaginable que la prise en charge d’une épidémie de type COVID par ce système sanitaire risque de faire face à des difficultés liées à ces mêmes défaillances.
a. Le 17 mars, le gouvernement annonce que tous les vols internationaux et régionaux sont suspendus pendant 30 jours à partir du 20 mars.
b. À partir du 20 mars, toutes les personnes arrivées de l’étranger font l’objet d’un test auprès de l’Institut Pasteur de Madagascar. Une trentaine de cas sont comptabilisés. Tous les malades sont pris en charge par l’État à l’hôpital Manarapenitra d’Andohatapenaka à Tananarive, la capitale.
c. Décret de l’état d’urgence sanitaire le samedi 21 mars, prolongé de 15 jours le 17 avril, et mise en place de mesures de confinement à Antananarivo et Toamasina
d. Le 23 mars, les transports sont suspendus. Les familles quittent la capitale à pied pour rejoindre leurs villages d’origine.
e. Mise en place d’un centre de commandement opérationnel COVID-19 : coordination des mesures à appliquer contre la propagation du virus ; réception et répartition des équipements et matériels médicaux dons de l’OMS ; diffusion des informations officielles sur l’épidémie, retransmises sur les chaines nationales, ainsi que sur les chaînes de télévisions ;
f. Mise en place sur Tananarive et Toamasina de 2 x 70 brigades (agents de santé, forces de l’ordre et un agent psychosocial, véhicules mis à disposition) pour le suivi de santé et d’isolement de personnes confinées dans des hôtels, à domicile et dans des sites spécialisés (1.000 personnes par jour)
Les conséquences sociales des mesures de confinement se sont très vite fait sentir. Des files d’attente sont observées dans les grandes surfaces, les marchés, les stations d’essence.
Les tireurs de cyclo-pousse à Toamasina organisent des manifestations, en raison de la perte de leur activité liée aux mesures de confinement.
Toutefois, les mesures de prévention sont encore difficilement respectées dans la capitale. Pour Hélène, une lavandière, « ce coronavirus, c’est une maladie pour les vazaha [étrangers, ndlr], nous, on n’y croit pas du tout ». Tongatsara renchérit « c’est une politique mise en place par l’État, juste pour obtenir des subventions »(ouest France 23/03).
Le prix du ravintsara, du romba et du kininimpotsy, des plantes que la rumeur prétend efficaces contre le Covid-19, quadruple.
g. Arphine Rahelisoa, journaliste, qui avait critiqué la gestion de la crise par le pouvoir, est arrêtée le 4 avril, inculpée d’« incitation à la haine »envers le président et placée en détention.
h. Face aux problèmes de liquidité et de financement, la banque centrale malagasy annonce avoir injecté près de 620 milliards d’ariary (150 millions d’euros).
i. L’aide internationale afflue. Les principaux bailleurs (UE, France, FMI, BAD, etc.) débloquent 441 millions de $ (soit 16% du budget total de l’Etat !) pour équilibrer la balance de paiements, l’achat de matériel et le soutien au système de santé.
En relation avec l’OMS, la fondation Jack Ma (AliBaba) fait des dons de matériels et de kits de dépistages : 10 respirateurs, 20 000 tests de dépistage, 4 000 combinaisons de protection individuelle, 10 000 masques, 10 000 paires de gants et 400 thermomètres … etc, après une première livraison de 100 000 masques et 200 000 kits de tests le 25 Mars.
En parallèle, la recherche sur la pharmacopée malagasy, l’Artemisia en particulier, et l’utilisation de protocoles à base d’huiles essentielles et de médications de traditionnelles déploie la plus grande activité.
La « faiblesse » relative de ces chiffres en a interrogé plus d’un. Avec ce questionnement : « Comment un pays aussi pauvre, avec autant de faiblesses du système de santé, déjà submergé par des flambées successives de maladie en cours, et autant de fragilités sociales, pouvait-il connaître aussi peu de cas confirmés, aussi peu de décès » ? A regarder les quelques 700 000 cas et les 40 000 morts d’un pays développé comme les USA, ou les 112 000 cas et 19 000 morts en France, pour ne citer que ceux-là, le constat rendait perplexe certains observateurs.
Le continent africain est désormais touché, mais que sont les 13 000 cas et les 616 décès confirmés en Afrique au regard du million de cas confirmés en Europe ?
Si ces chiffres sont difficilement comparables, en raison des différences en termes de critères d’établissement et de disponibilité des données, les masses interpellent. Elles interpellent d’autant plus que localement les interprétations des plus fantaisistes font cours. Depuis les prédictions d’une prophétesse brésilienne qui viennent soutenir les déclarations fracassantes d’un dirigeant qui aurait découvert le remède miracle en passant par les interprétations les plus superstitieuses et populistes (« c’est une maladie d’européens, on n’a rien à craindre »), nous ne sommes pas certains de la meilleure prise en compte de la pandémie qui risque de se développer. Et l’examen des chiffres qui analysent le nombre de cas par pays et par million d’habitants rapportés au PIB, pourrait laisser accroire que le COVID 19 est une maladie des pays occidentaux.
Nous souffrons en fait d’une forme d’aberration mentale qui nous fait croire que la situation pourrait être moins grave qu’elle ne l’est réellement. Pollués émotionnellement et intellectuellement par le matraquage médiatique qui nous assène à longueur de journées les chiffres « hallucinants » du nombre de décès d’un Occident qui ne se préoccupe pas tant du nombre de victimes de la faim dans le monde, on en oublie qu’il faut comparer des choses comparables.
LA SITUATION A VENIR SERAIT, DE FAIT, BIEN PLUS GRAVE QU’ELLE NE LE PARAIT AUJOURD’HUI.
Le manque de transparence et la volonté de verrouiller l’information de la part du pouvoir malagasy ne peut que rajouter du brouillard au brouillard, et les postures de satisfaction de dirigeants qui se félicitent de la faiblesse du nombre de décès, et qui prétendent maîtriser la pandémie, ne sont pas moins aberrantes que les postures de dirigeants, scientifiques et gens de médias français qui regardaient avec condescendance la crise se développer en Chine ou en Italie.
L’exemple des errements et des retards des décisions européennes devrait alerter les dirigeants de nos pays : ils tombent dans les mêmes schémas erratiques de pensée. Cherchant à se rassurer et à nous rassurer en fuyant la réalité, en quête d’un hypothétique miracle : « On va passer à travers parce que… la météo, la génétique, les régimes alimentaires, le paludisme endémique, la jeunesse de la population, etc.». C’est éminemment dangereux.
En fait à comparer l’évolution du nombre de cas en France et à Madagascar, on a le tableau suivant qui prend en référence J0 la date d’apparition officielle du premier cas et la date de recensement des 100 premiers cas.
Le déclenchement de l’épidémie aurait débuté à Madagascar 54 jours après son déclenchement en France. Le début de confinement en France du 17 Mars a été suivi par un début de confinement partiel dans la Grande Ile seulement 6 jours après.
Il reste que malgré des mesures préventives et une connaissance « précoce » sur le sujet, le passage à la centaine de cas survient à Madagascar à J0 + 22 quand il survient à J0+33 en France dans des conditions où les mesures préventives ne relevaient encore que des préconisations de gestes barrières.
La courbe de propagation du COVID SERAIT donc plus forte qu’elle ne l’a été en France.
Le conditionnel s’impose. Cette maladie, dont le comportement nous reste très largement méconnu, pourrait - du moins on doit l’espérer – ne pas répondre aux seules données et projections statistiques. Ces projections seraient dramatiques si elles devaient s’avérer.
Il faut souligner que du 20 mars au 17 Avril, l’Institut Pasteur aura réalisé 2 357 tests à Madagascar (analyses de prélèvements) par les tests PCR (par le nez), sur une population de 27 millions d’habitants.
Avec une diaspora malagasy à la population estimée en 2013 à quelques 166 000 individus dans le monde (120 000 en France) le montant des transferts (hors IED) vers Madagascar par sa diaspora serait de l’ordre de 427 millions de $ annuels (373 millions depuis la France). En 2014, le montant des Investissements Etrangers Directs (IED) était de 635 millions de $. La diaspora malagasy est donc un acteur essentiel en termes de développement et de solidarités. La crise COVID ne semble toutefois pas avoir éveillé une mobilisation que l’on aurait aimé plus massive. On notera toutefois les initiatives suivantes :
Un collectif d'associations et d’ESS franco-malgaches réunies autour d'Alliances et Missions Médicales, du Relais Fianarantsoa, et d'Esperanza Joie des Enfants a lancé le 26 mars une opération "100 000 masques pour Madagascar" (production locale des masques lavables et réutilisables). Avec le soutien de la Fondation EDF, l'opération devient le 12 avril "500 000 masques pour Madagascar". La production est au 16 avril engagée à Fianarantsoa, Antsirabe, Imady, et d'autres sites s'engagent à Antananarivo, Morondava, Imito.
On constate une floraison d’initiatives de levées de fonds qui fait jour sur les plateformes de collecte (Leetchi, HelloAsso) : « Aide aux Habitants démunis d’Ambatolampy », « Covid - 19 Mada”, “Covid 19 Madagascar Medic”, “Covid 19 Masques à Madagascar (Amitie franco-malgache Fihavanana »), « Covid 19 Solidarité Madagascar », « Enfants Parrainés d’Ivato (Sol’Su) », »Hackaton Covid 19 Madagascar”, “Kits Urgence Covid 19 Madagascar”, “Les démunis de Madagasca »r, « Manakara sy Manodina », « Natcha Ramine », « Solidarité Covid19 Madagascar », « Solidev”, “Stop Covid 19 Madagascar”, “Urgence Covid19 Madagascar (Avenir Enfants Malgaches)”…
… Et bien d’autres encore qui ne seront pas recensées ici, masquées au sein d’initiatives individuelles, tout en alertant sur la nécessité de se prémunir de probables effets d’aubaine de certains appels aux solidarités.
La communauté malagasy semble difficile à mobiliser sur les grandes opérations solidaires, faisant la part belle à la multiplication d’actions associatives ou personnelles. A l’exception du CEN qui organise la RNS (Rencontres Nationales Sportives), événement significatif de la Diaspora de Madagascar qui rassemble traditionnellement à Pâques, lors d’un week-end festif, jusqu’à 7 000 membres de la société malagasy expatriée pour des rencontres inter-associations. Le contexte confinement, annulant la manifestation, les a vus transformer ces rencontres en une semaine d’événements virtuels sur Internet pour entretenir la cohésion sociale de la communauté malgré la crise.
Faire le constat de ces fragilités n’est pas sombrer dans le catastrophisme. Mais il faut bannir toute forme de pensée magique, de la part des gouvernants, de la part de leurs administrations, et de fait de la part de leurs administrés entretenus dans un sentiment de « on passera au travers » .
Les initiatives erratiques, telles qu’un confinement inapplicable et inappliqué calqué sur les pays du nord, le manque de visibilité et de transparence sur les besoins projetés et les moyens, les équipements, les infrastructures, les ressources et les traitements nécessaires pour contenir une possible crise sanitaire, ne peuvent pas nous rassurer et ne peuvent pas nous permettre de projeter les actions et initiatives qui seraient nécessaires.
S’il nous reste quelque espoir de passer au travers d’un drame sanitaire, il est par contre certain que nous n’éviterons pas de graves difficultés économiques et sociales. La pandémie est un fait. Mais le deuxième et véritable danger qui guette nos populations, même si le premier est évité, est un écroulement économique du pays avec son lot de chômage, son lot de perturbations, entre autres, de la circulation des intrants agricoles et importés, son lot de misère et de famine et de régressions sociales.
Nous avons plus que jamais besoin de transparence pour pouvoir lire la situation, anticiper, agir. Et, au-delà de la préservation de la cohésion sociale, nous avons plus que jamais besoin d’affirmer nos solidarités ICI et LA-BAS.
[i] Sources : Ministère de la santé publique (Plan National de Santé) - OMS – PNUD - Institut Pasteur
[ii] ibid
[iii] Sources : l’Express de Madagascar, Madagascar Tribune
Chronique rédigée par Patrick Rakotomalala, Fact'Madagascar, Fédération d'associations de la diaspora de Madagascar
Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala
Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana
Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s
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Mohamed Mansour LY
Président du COSIM Normandie, administrateur du FORIM,
Enseignant- Juriste spécialiste en droit international du développement, IUT Rouen
Il y a seulement quelques petites semaines, le FORIM s’apprêtait à démarrer les activités d’accompagnement aux OSIM, pour répondre à l’appel à projets PRA/OSIM. Ce dispositif phare du FORIM met en évidence les effets positifs de la migration sur le développement de nos pays d’origine et tout particulièrement, l’apport des migrant.e.s par la valorisation et la capitalisation de leurs pratiques.
Mais le pire est arrivé.
Comme un couperet, à la suite de la fermeture de toutes les frontières internationales, nous apprenons avec stupeur la mise en place de mesures de restrictions drastiques pour limiter les déplacements et les rassemblements. C’est à ce moment que nous commençons à mesurer la gravité de la situation.
Pour nos organisations de solidarité internationale issues des migrations dont l’ADN est de promouvoir la mobilité et la migration sans frontières entre les états, ces nouvelles mesures viennent bousculer nos habitudes et ébranler nos certitudes. Tous pris de court, secoués mais pas terrassés. Aussitôt nous nous sommes ingéniés à imaginer des alternatives. Comment continuer à accompagner efficacement nos OSIMs ? Quelle mobilisation pour continuer à porter notre plaidoyer à travers nos réseaux ?
Nous le savons toutes et tous, l’histoire écrit une nouvelle page. Face à cette crise sanitaire aussi chaotique que nous impose le COVID 19, notre plateforme nationale regroupant les organisations de solidarité internationale reste fidèle à ses valeurs en continuant d’offrir l’image spécifique de personnes issues de l’immigration qui mettent en évidence les aspects positifs de notre double appartenance. Nous restons mobilisés et solidaires Ici et là-bas où le COVID 19 risque d’impacter durablement.
Dans un contexte d'emballement médiatique, beaucoup de fausses informations circulent. Il faut remettre de l’ordre dans les idées, réembrayer sur le concret. La crise du COVID 19 nous indique un nouvel horizon d’alternatives potentielles mais, à l’évidence, un rapport de force à construire pour changer le système en mettant l’humain et l’humanité au centre de nos préoccupations. Une des gageures de l’après COVID 19, c’est de pouvoir mener un véritable travail de réflexion de fond sur la coopération, la solidarité et le développement entre le Nord et le Sud, pour que les deux parties donnent et reçoivent réciproquement.
D’Ici là, continuons de prendre soins les un.e. s les autres.
Restons Unis et solidaires pour accomplir notre destin.
1. Le Maroc : un pays riche et pauvre à la fois où les inégalités restent fortes
Le Maroc est un pays de 35,2 millions d’habitant.e.s (2018, Haut Commissariat au Plan, HCP), dont 63% habitent dans le milieu urbain. 35% des emplois sont occupés dans la branche de l’agriculture, forêt et pêche. Entre 75 et 89% des emplois au Maroc se trouvent dans le secteur dit « informel » (2016, Organisation Internationale du Travail).
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a classé le Maroc à la 121ème place (sur 189) pour son indice de développement humain en 2019. Malgré des évolutions reconnues par les Nations Unies, le Maroc connait un retard important dans son développement. De plus, cet indicateur cache des inégalités importantes, notamment sociales, de genre et des disparités territoriales fortes. En particulier le Rif et ses périphéries et la grande périphérie de Marrakech. Le système de santé au Maroc reste encore fragile et est un véritable défi pour le pays. Le Maroc a une faible densité de médecin, moins de 7 médecins pour 10.000 habitants. Un effort est réalisé dans la formation du personnel de médecine pour améliorer ce chiffre. Et une loi a permis la mise en place d’un régime d’assistance médicale (RAMED) pour les plus démunis.
Pour réduire ces inégalités, la diaspora marocaine joue un rôle important. Les transferts de fonds des MRE (Marocains Résidents à l’Etranger) sont estimés à 65 milliards de dirhams en 2018 (6.3 Mds d’Euros) dont 35% en provenance de France (Office des changes du Maroc). La diaspora marocaine est importante, elle correspond à 11 % de la population totale avec 5 millions de MRE, dont plus de 1 million en France. Le Maroc est aussi depuis une dizaine d’années un pays d’installation pour quelques 84.000 étrangers (dont 65% sont originaire d’Afrique subsaharienne).
Situation du Covid au Maroc
L’État d’urgence a été proclamé relativement tôt. Le Maroc prend très au sérieux l’épidémie et a pris des mesures rapidement : état d’urgence, déplacements encadrés, suspension de tous les vols internationaux, ports fermés (excepté pour les marchandises). Un comité de pilotage à la surveillance de l’épidémie et à la prise de décision a été mis en place par le gouvernement (constitué du ministère de la Santé, de la Gendarmerie royale, des services de la médecine militaire, du ministère de l'Intérieur ou encore de la Protection civile). Tous les grands rassemblements et évènements sont annulés ou reportés (exemple du 15ème Salon de l’agriculture du 14 au 19 avril). Depuis le 20 mars, le confinement est mis en place dans tout le pays. Depuis le 7 avril, le port du masque est obligatoire. Des industries du Maroc se sont reconverties dans leur production. Et il est vendu à 7 centimes d’euros, un prix dérisoire pour démocratiser son utilisation. Aussi, le pays se lance sur la fabrication de respirateurs artificiels, ainsi que sur le réaménagement de halls d’exposition en hôpital de campagne.
Deux mesures sociales importantes ont été prises au Maroc : une dotation de 10 milliards de dirhams pour la mise à niveau du système de santé au Maroc (infrastructure et urgences en lien avec l’épidémie) et une aide de subsistance financières aux plus démunis (les bénéficiaires du RAMED et les autres populations travaillant dans l’informel).
Mais cela suffira-t-il ? Comment réagit la population marocaine face à cette épidémie ? Et quelles sont les apports de la diaspora dans cette crise ?
2. Les initiatives citoyennes de la diaspora et des associations marocaines
Saadia mène depuis 11 ans des actions de solidarité avec son village d’origine dans l’Atlas marocain, à travers une association créée en France. « Avant le confinement au Maroc, les gens du village m’ont appelé pour demander de mes nouvelles. Quand les villageois ont senti que le Maroc pouvait être concerné, ils m’ont sollicité pour avoir des explications. Depuis, je suis en lien quotidien avec les habitants de mon village. Les jeunes veillent sur le confinement des habitants.
Zaïna, originaire d’un village dans l’Atlas marocain, est professeur à Paris. « Dans les six hameaux de mon village, une grande partie de la population a peu de moyens et dépend de l’argent transféré par les émigrés, en majorité de l’intérieur (Casablanca, Agadir). Cette année est une année de sécheresse. Cela renforce la précarité des familles qui font face avec courage et pudeur à la menace du coronavirus, au confinement, et au renchérissement du coût de la vie en raison de la fermeture du souk « bon marché ». En plus, on a un retour massif des journaliers fuyant les villes sans indemnités ni épargne et revenant au village, privant les villageois d’une aide financière vitale, et augmentant les besoins essentiels.
J’ai mis en place une chaîne pour alimenter une cagnotte par la solidarité de mon entourage amical et professionnel. Mon représentant sur place que je connais personnellement et dont je me porte garante répartira équitablement les produits aux familles les plus démunies selon leur taille respective. Je m’engage solennellement à suivre la gestion de la cagnotte et à en rendre compte aux généreux donateurs. »
A Taliouine les jeunes organisent la solidarité. Les jeunes du Forum Initiatives Jeunesse (FIJ), ont organisé une collecte auprès des familles dans tous les quartiers de la petite ville de Taliouine (Province de Taroudant), là où se situe le souk chaque lundi, sur la route nationale d’Agadir à Ouarzazate. Le souk est fermé depuis les mesures de confinement prises par les autorités. L’Association Algou et l’Association des jeunes d’Imgoun (Commune de Tassousfi) ont collecté auprès des habitants et des migrants, respectivement 30.000 DH (près de 2.800 €) et 23.000 DH (près de 2.200 €) pour confectionner régulièrement des « paniers » de nourriture pour les distribuer aux familles pauvres de leurs villages.
D’autres associations se coordonnent avec les autorités et les commerçants pour apporter les approvisionnements jusqu’aux villages et organisent les achats et distribution en respectant les règles de distance sociale.
Ces actions valorisent le rôle des Associations villageoises qui étaient nées il y a 30 ans pour mener des actions de construction d’infrastructures collectives au niveau villageois (électrification[1], adduction d’eau potable, irrigation, retenues collinaires…) avec le soutien des migrants du village. Avec le ralentissement des actions au niveau villageois, les Associations villageoises ont perdu de leur importance. La situation présente les remobilise sur des enjeux de solidarité, en lien le plus souvent avec les migrants (de l’intérieur et à l’international) issus de leur village.
[1] L’association Migrations & Développement (M&D) s’est construite dans le années 90 autour de ces petits équipement collectifs villageois soutenues par les migrants du village présents en France.
L’Association des Marocains de France (AMF) a lancé un appel d’urgence de fond auprès de son réseau pour soutenir les populations les plus démunies au Maroc, tout particulièrement les femmes seules et les enfants. En France, les violences sexuelles ont fortement augmenté pendant le confinement. De ce fait, l’AMF s’est centrée sur la réalisation de spots vidéos d’appel à la solidarité et à la vigilance envers les femmes et les enfants, victimes de violence.
Pour Ahmed Ouarab, président de l’association MCDA, membre d’Immigration, Développement, Démocratie (IDD), le Maroc est actuellement en phase de confinement, mais l’étape suivante va en être la sortie, car les populations vont avoir besoin de manger et de travailler. Et pour cela, il faut des masques.
Tout est parti d’un partenariat qui existe depuis plusieurs mois entre MCDA à Mulhouse, l’association italienne Sunschine4Palestine à Rome et deux universités, celle de Bethléem en Palestine et celle de Beni Mellal au Maroc. L’idée est de monter un FabLab et plus encore un réseau de laboratoire de fabrication méditerranéen. L’objectif est de lutter contre la pauvreté et les inégalités par un levier important qu’est l’éducation. Les 4 partenaires travaillent à la formation de jeunes étudiantes marocaines en thèse en sciences physiques. Elles ont appris l’assemblage, l’utilisation et la réparation d’imprimantes 3D afin de travailler à la vulgarisation scientifique locale dans leur pays et pour développer des projets indépendants et innovants.
Depuis l’épidémie du coronavirus au Maroc, le FabLab pourrait être le lieu de création de masques avec écran plastique. L’association MCDA, en lien avec une coopérative de femmes Khmissasanad présidée par Amina Majdi et l’association maindepaixsociale présidé par Hassan Agermousse à Oulad Mbarek, qui disposent de locaux équipés de machines de couture et de couturières organisent aussi la fabrication de masques en tissu.
MCDA demande des autorisations au gouverneur de Beni Mellal afin de permettre aux femmes la mise en place de masques en tissu, tout en fabriquant les masques en plastique. L’idée est ensuite de pouvoir en distribuer au sein des hôpitaux mais aussi auprès de la population. L’association, négocie à distance avec les autorités publiques les autorisations de sortie et de travail des femmes de la coopérative tout en tenant compte des mesures d’hygiène et de sécurité. L’association négocie avec les fournisseurs de matériaux de masque (tissus, plexiglass, etc.), que ce soit en France ou à Casablanca au Maroc.
Pour MCDA, l’idée est de fédérer ce réseau d’acteurs associatifs autour de la thématique du COVID à travers les actions suivantes : sensibilisation des populations au respect des consignes sanitaires, conception et fabrication de masques, distribution de masques et de vivres.
Pour La FAF, le Forum des Amis de Figuig (membre d’IDD), les associations de Figuig France s’organisent. Ici, pour accompagner des Marocain.e.s de la diaspora qui décèdent, afin de les enterrer dans un carré musulman en France, car depuis l’épidémie, le rapatriement des corps est interdit. Plusieurs associations de Figuig en France font de la collecte d’argent pour venir en aide aussi aux sans-abris, aux sans-papiers et aux personnes seules en France. La solidarité s’organise aussi à Figuig. Une forte mobilisation se met en place avec les partenaires des Associations de Figuig en France et au-delà. Par exemple, la société civile à Figuig organise une sensibilisation à l’importance du confinement et accompagne des distributions alimentaires.
Sociologue, Professeur Associé en Sociologie à l’Université Internationale de Rabat, Directeur pédagogique de Sciences Po Rabat, Titulaire de la Chaire Migrations, Mobilités, Cosmopolitisme, Rédacteur en chef de la revue Afrique(s) en Mouvement, Coordinateur Maroc du LMI Movida (IRD)
Propos recueillis par Chadia Arab
Qu'en est-t-il des mesures prises par le Maroc dans le cadre de l’épidémie ?
Le Maroc a pu bénéficier des expériences des autres pays face à l’évolution de la pandémie puisqu’il a détecté des cas bien plus tard qu’en Europe. Sa proximité avec l’Europe et, surtout, les circulations incessantes de ses ressortissant.e.s y résidant, a, selon moi, permis une mise en place préventive de lutte contre les effets de la pandémie, que cela soit d’abord au niveau sanitaire et épidémiologique ou que ce soit maintenant au niveau économique et social. Il y a eu d’abord la fermeture des écoles et des universités, l’annulation des évènements sportifs et culturels, l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes sauf pour les moussems (fête traditionnelle et religieuse), l’interdiction des réunions publiques, conférences et autres manifestations avec des personnes venant de l’étranger, Marocain.e.s ou non.
Puis, cela ne suffisant pas, il y a eu la fermeture des mosquées, des cafés, restaurants et bars, la fermeture des salons de coiffure et esthétique, des hammams. Mais, malheureusement, cette stratégie de lutte préventive contre les effets du Covid-19 n’a pas permis d’empêcher la diffusion sur tout le territoire des infections à ce virus. Le Maroc a donc pris la décision de fermer les frontières, puis de décréter un état d’urgence sanitaire prenant effet le 20 mars et s’arrêtant le 20 avril avec le décret-loi 2.20.292 pour restreindre au maximum les déplacements et encourager au confinement. Les Marocain.e.s n’ont plus le droit de sortir sans autorisation et les déplacements inter-villes ne sont permis qu’aux déplacements essentiels à la vie économique et à la lutte contre la pandémie (principalement pour les approvisionnements). Afin de lutter aussi contre les effets économiques et sociaux, pendant le temps même des mesures de prévention progressives tel que je les ai sommairement décrites, le Maroc a mis en place un Fonds spécial où toutes les fortunes (ou presque) du pays ont contribué, notamment le Roi lui-même, atteignant aujourd’hui près de 3 milliards d’euros, ce qui pour un pays comme le Maroc est impressionnant.
Vous évoquez dans vos articles un confinement à plusieurs vitesses, qu'est-ce que vous entendez par là ?
D’abord, de manière générale, j’essaie simplement d’expliquer que le confinement généralisée à domicile ainsi que la distanciation sociale sont deux concepts ineptes et impossibles à réaliser ! Pour qu’une société fonctionne il faut bien qu’il y ait des catégories professionnelles qui non seulement ne soient pas confinées mais en plus aillent au contact… Au minimum, les forces de l’ordre, les personnels soignants, les personnels de ménage et d’hygiène, les personnels de l’alimentaire et de sa distribution, les personnels des transports, des télécoms, de l’eau et l’électricité. Sans parler de tout un ensemble d’autres métiers que le soi-disant confinement généralisé à domicile n’a pas empêché de continuer et qui font que ces travailleu.ses.rs prennent quotidiennement les transports en commun. Partout dans le monde confiné, les cadres « télétravaillent » (quel concept bizarre là aussi) mais pas les ouvri.ères.ers ! Au Maroc, c’est aussi la même chose mais c’est encore plus compliqué parce qu’il y a plus de 70% de la population active qui travaillent sans contrat de travail, ni protections sociales, ni cotisations, ni droits ! Tou.te.s ne sont pas pauvres, mais très rarement aisé.e.s et ne pourront pas faire de grandes provisions. Elles et ils ne tiendront pas longtemps sans revenus. Pire, une grande partie de travailleu.ses.rs de ce qu’on appelle très maladroitement « l’économie informelle », alors qu’elle est en réalité très formelle socialement, très inscrites dans les habitudes et les normes sociales, sinon elle ne fonctionnerait pas, ne vivent qu’au jour le jour et n’ont pas de revenu fixe. Et parmi cette catégorie, il y a une sous-catégorie que j’ai nommé économie de la circulation et de la débrouille. C’est une économie d’entre-pauvres qui est essentiellement basée sur les mobilités : les mobilité des personnes qui en multipliant les contacts gagnent un peu d’argent, circulation entre les personnes permettant de connecter des marchés de toutes sortes, mobilité des marchandises et des personnes pour les porter, circulation de l’argent qui changent de main en main tellement rapidement qu’il y a une sommes considérables de familles qui vivent en une journée sur un seul billet de 20 dhs (d’ailleurs ce sont les billets les plus abimés, parce que les plus utilisés). Arrêter les déplacements, c’est tuer cette économie de la circulation et de la débrouille. Arrêter la vie sociale dans les rues et les marchés, c’est tuer cette forme particulière d’économie d’entre-pauvres.
L’Etat en est conscient, me semble-t-il, et a mis en place un système de dédommagement pour ces populations allant de 800 dhs à 1200 dhs selon le nombre de personnes à charge dans une famille, grâce au Fonds spécial dont j’ai parlé plus haut. Le problème reste l’identification des personnes, car beaucoup échappent aux registres déjà existants. De fait, au Maroc, lorsqu’on regarde les quartiers populaires des grandes villes, la vie sociale est assez forte les matinées et puis s’arrêtent progressivement les après-midi pour être totalement stoppées à partir de 18h dans une sorte de couvre-feu qui ne dit pas son nom. C’est donc en réalité un confinement à géométrie variable dans le temps et dans l’espace que nous vivons au Maroc.
Quelle est la situation des migrant.e.s face à cette épidémie au Maroc ?
Alors, il y a plusieurs catégories de personnes migrantes au Maroc, catégories sociales, nationales mais aussi raciales, c’est-à-dire racialisées. Ce n’est pas la même chose d’être un professeur de nationalité française dans un lycée de la mission française et une femme burkinabé qui réside sans autorisation administrative et fait des ménages au jour le jour, moins payée encore que les salaires, déjà de misère, qu’obtiennent les Marocaines faisant le même métier. Pour être clair, dans les villes de Casablanca et Rabat cela commence à 100 dhs la journée de ménage pour les Marocaines et cela peut descendre jusqu’à 70 dhs. Pour les personnes migrantes originaires des pays d’Afrique subsaharienne, c’est-à-dire, noire de peau, cela commence au mieux à 60 dhs la journée !
Et puis, il y a aussi des populations migrantes qui n’ont même pas accès à ces métiers de sous-prolétaires… qui ne vivent que d’aide alimentaire et de charité. Ce sont les vulnérables parmi les vulnérables ! Sans domicile et sans aucune forme de revenus, elles et ils vivent souvent à proximité des frontières européennes et de ses enclaves coloniales de Sebta et Melilla. Là, comme un peu partout sur le territoire national, les autorités ont fait arrêter les distributions d’aides et les maraudes afin de limiter la propagation du virus Covid-19. Mais la faim se fait sentir. J’ai des témoignages terribles de personnes qui n’ont rien mangé depuis 3 jours ! Et nous sommes impuissant.e.s face à cette situation. Les personnes non ressortissantes qui ont bénéficié des campagnes de régularisation et qui ont pu s’inscrire sur le registre du Ramed (régime d’assistance médicale pour les Marocain.e.s qui n’ont aucune couverture médicale parce que travaillant sans contrat de travail qui a été ouvert aux personnes migrant.e.s ayant les mêmes conditions socio-économiques que les Marocain.e.s) vont en principe recevoir l’aide promis au « secteur informel » comme on le nomme ici. Mais les autres ? Que va-t-il advenir des autres ? Comment aider ces populations sans aller au contact ? C’est là toute la limite de cette stratégie de confinement.
Prochaine ChroCo Vies : Madagascar
Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala
Chronique rédigée par Chadia Arab, Abderrahmane Benkerroum, Souad Frikech Chaoui, Ahmed Ouarab, Jacques Ould Aoudia
Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana
Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s
La lettre au président de la République de Coordination SUD, en demandant que soit annoncée sans attendre une aide massive aux pays relevant de l’aide publique au développement (APD), notamment les plus pauvres, additionnelle aux moyens déjà budgétés. Pour soutenir ces pays, leurs systèmes de santé et l’ensemble des acteurs et actrices des sociétés civiles locales et de la solidarité dans leur lutte contre les effets sociaux et sanitaires liés à l'épidémie.
" Pour nous, Coordination SUD et ses 175 ONG membres, et comme nous l’espérons pour vous également, la solidarité internationale doit être au cœur de la réponse ".
Source : Coordination Sud
Dans la continuité de la lettre au président de la République, Coordination SUD s’est adressée en milieu de semaine au ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Dans ce courrier, sont exposés les premiers constats d'impact de la crise Covid-19 remontés via le processus d’identification et la task force Covid-19 associant instances et secrétariat exécutif. Il développe également les premières mesures que Coordination SUD porte à destination des pouvoirs publics. Par ce courrier, signé par Philippe Jahshan, président de Coordination SUD et appuyé par ses ONG membres, Coordination SUD entend ouvrir des voies de dialogue plurielles avec les administrations du MEAE, de l'AFD, etc. Dialogue que les différents espaces collectifs et autres groupes de travail de Coordination SUD (commissions Humanitaire, Cofri, APD et financement du développement, Santé, club métier RH, etc.) auront mandat de nourrir.
" La pandémie menace toutes les populations aux économies déjà précaires pour lesquelles nos organisations travaillent, en particulier les plus vulnérables dans des pays fragiles ".
Source : Coordination Sud
billet sorti sur MEDIAPART, 08 avril 2020
Les grandes puissances mondiales sont impuissantes face à cette crise et privilégient le « chacun pour soi »