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Le Vietnam, un Petit Dragon économique…

source : reflectim.fr

Pays tropical et subtropical, avec une superficie de 331 000 km², le Vietnam s’étire sur 1650  km de long du Nord au Sud et possède 3260 km de côtes. Les 98  millions d’habitants sont regroupés essentiellement dans les plaines (delta du fleuve rouge au Nord, delta du Mekong au Sud).

Après une dizaine d’années difficiles dues aux séquelles d’une guerre dévastatrice et des mesures économiques désastreuses, le Vietnam a su, grâce à une politique de libéralisation économique et d’ouverture, sortir de la pauvreté et devenir un pays à revenus intermédiaires (PIB par habitant 3200 USD en 2018). Le sort des paysans, en particulier, s’est amélioré de façon spectaculaire. Le Vietnam est devenu en 2019 le premier exportateur mondial de riz, de noix de cajou, de poivre, le deuxième exportateur de café… Pays de tradition agricole, il s’est industrialisé ces dernières années, grâce aux investissements étrangers (surtout du Japon et de la Corée du Sud), en particulier dans la fabrication de produits électroniques, ce qui a permis à ce secteur de contribuer à hauteur de 24% du PIB du pays. Une croissance continue entre 6 et 7% par an a propulsé le Vietnam au rang d’un «petit dragon» du Sud Est asiatique.

….Mais un système de santé à 2 vitesses

Médecine traditionnelle - Source : suckhoedoisong.vn

Le système de santé du Vietnam est un système mixte, alliant le public et le privé, la médecine occidentale et la médecine traditionnelle.

Le système de soins publics au Vietnam est organisé sur quatre niveaux, calqué sur l’organisation administrative. Le réseau des établissements de santé est très dense : 99% des communes possèdent un dispensaire, destiné à apporter aux populations les soins de santé primaires et les vaccinations. Chaque district (au nombre de 527) possède également au moins un centre de santé, pour des soins plus avancés. On dénombre 419 hôpitaux de province. Au niveau national, le Ministère de la Santé gère plusieurs institutions, notamment 47 hôpitaux d’état, des instituts de recherche et des universités. La médecine traditionnelle joue un rôle essentiel dans le système de soins. Environ 30% des patients du pays y ont recours, en particulier dans les zones reculées et difficiles. En plus des 63 hôpitaux de médecine traditionnelle, 92% des hôpitaux de médecine occidentale possèdent un département ou une équipe de médecine traditionnelle.

La caractéristique de la médecine traditionnelle au Vietnam est qu’elle a su combiner de manière harmonieuse les pratiques et les médicaments traditionnels et ceux de la médecine dite « moderne ».

Des résultats louables dans la médecine de base, et de grands efforts pour que chaque Vietnamien puisse avoir une assurance maladie, ne peuvent cacher certaines insuffisances du système de santé vietnamien, en particulier le sous-équipement des hôpitaux publics et l’inégalité entre les services de santé des zones urbaines et ceux des zones rurales. En l’absence de soins spécialisés et de qualité de proximité, les malades des campagnes affluent vers les hôpitaux des grandes villes qui sont en permanence surchargés. Une autre conséquence est la multiplication dans les grandes villes d’hôpitaux privés souvent mieux équipés mais où ne peuvent aller que les gens fortunés, créant ainsi un sentiment d’injustice sociale

Pour vaincre l’épidémie du Covid 19, un maître-mot : l’anticipation

Le coronavirus a fait sa première apparition au Vietnam le 22 Janvier, apporté par un chinois arrivant de Wu Han. Au 12 Mai, le nombre de contaminés s’élève à 288, le nombre de guéris à 249 et le Vietnam ne déplore aucun mort.

1 : 22 Janvier : premier cas de malade du Covid 19, un chinois arrivant de Wu Han. 28 personnes ayant été en contact avec lui ont été testées, 2 sont atteints. 29 Janvier : 6 techniciens vietnamiens de retour de Wu Han ont infecté plusieurs membres de leur famille. Tous sont originaires de la commune de Son Lôi, province de Vinh Phuc. Cette commune a été mise en confinement le 12 Février. Au 13 Février, le VN compte 16 personnes atteintes, ce nombre est resté stable jusqu'au 6 Mars

2 : 30 Janvier : le Vietnam ferme ses frontières terrestres et aériennes avec la Chine

3 : 6 Mars : Deuxième phase de contaminations venant d'Europe (Vietnamiens et Européens). Le nombre des contaminés augmente rapidement. Le Vietnam déclare le stade 3 de l'épidémie

4 : 11 Mars : Arrêt de délivrance de visa pour les ressortissants des pays de l'espace Schengen. Toute personne entrant au Vietnam doit faire une déclaration de santé, et mise en quarantaine 14 jours dans des centres d'isolement

5 : 25 Mars : Fermeture des restaurants, bars, salles de karaoké, salons de coiffure…Les magasins, supermarchés et les marchés restent ouverts

6: 1er Avril : Le Vietnam décrète un confinement national (assez soft). Tous les commerces non essentiels sont fermés. Les circulations de personnes inter-provinces sont réglementées, les rassemblements sont interdits, il est seulement conseillé de ne sortir que pour les achats essentiels

7 : 1er Mai : Fin du confinement. Réouverture des écoles

8 : 5 Mai : rapatriement de 297 Vietnamiens : tous ont été immédiatement mis en isolement et testés. 17 personnes ont été testées positives.

Comment le Vietnam, qui partage 1400 km de frontières avec la Chine, dont le système de santé est fragile et les hôpitaux en permanence surchargés, a-t-il réussi cet exploit d’avoir un nombre aussi bas de contaminés et aucun décès ?

Eh bien, justement, parce que se sachant dans l’incapacité de faire face si le virus se propageait, le gouvernement vietnamien a pris les devants. Sa stratégie se résume en un mot : anticiper.

Il a déployé sur tout le territoire 3 grands axes d’actions :

Ho Chi Minh ville avant le confinement - source : AFD
et au cours du confinement - source : toquoc.vn

A ces mesures, s’ajoutent les conseils de gestes barrière et d’hygiène envoyés régulièrement par le Ministère de la santé sur tous les smartphones (il y a 51,1 millions d’utilisateurs de smartphones au Vietnam). Et bien sûr, le port de masque obligatoire. Il est vrai que les Vietnamiens ont l’habitude de porter un masque en tissu, pour se protéger des gaz d’échappement des motos, dans un pays où on utilise majoritairement les 2 roues pour se déplacer.

Certains ont pu déplorer les atteintes à la liberté individuelle et les mesures autoritaires, mais tous les observateurs internationaux ont pu remarquer que les Vietnamiens se plient sans problème à cette discipline. Une des raisons de cette acceptation, suggère Jean-Noël Poirier, ex-ambassadeur de France au Vietnam, est qu’« elle est fondée sur un fait culturel et civilisationnel fondamental. Dans le monde confucéen, au Vietnam comme en Corée, au Japon comme dans le monde chinois (Chine, Taïwan, Hong-Kong, Singapour), la défense et les intérêts du groupe l’emportent sur le droit de l’individu » (https://www.causeur.fr/vietnam-coronavirus-confucius-jean-noel-poirier-175499)

File d’attente pour le test de dépistage du coronavirus - source : tuiotre.vn
Kit de détection du coronavirus « made in Vietnam » approuvé par l’OMS - source : thanhien.vn

Apports de la diaspora

On recense plus de 4,5 millions de personnes vivant, étudiant et travaillant hors du Vietnam, dans 110 pays et territoires. Les vagues successives de l’émigration vietnamienne suivent les vicissitudes de l’histoire contemporaine et actuellement la moitié environ des vietnamiens de l’étranger vit aux États-Unis (2,1 millions). Plus de 300 000 sont installés en France. Le gouvernement considère les « viêt kiêu » (vietnamiens d’outre-mer) comme « faisant partie intégrante du peuple vietnamien » et tient en haute considération leur apport intellectuel et économique à la mère-patrie. En 2018, les transferts des fonds de la diaspora s’élèvent à 15,9 milliards de dollars américains. Un organe dépendant directement du Ministère des Affaires étrangères, le Comité des Vietnamiens de l’étranger, a pour missions d’informer et de mobiliser les communautés vietnamiennes résidant à l’étranger. Une chaine de télévision vietnamienne VTV4, dédiée aux diasporas (l’équivalent de TV5 Monde) a une émission spéciale sur les communautés des Vietnamiens à l’étranger (Người Việt bốn phương, Vietnamiens des quatre coins du monde). Y sont montrés la vie des Vietnamiens de l’étranger, leur apport à la mère patrie, leur contribution au pays d’installation à travers en particulier le portrait de personnalités célèbres issues de l’immigration.

En cette période de Covid-19, on peut voir tous les jours sur les médias vietnamiens comment les diasporas la vivent, s’entraident, aident le pays d’origine et apportent leur soutien aux populations des pays d’immigration. Des restaurateurs offrent des repas aux personnels de santé, des boutiques sont transformées en ateliers de confection de masques pour la population locale.

Confection de repas - source : tuoitre.vn
Confection de masque - source : nbc news

Les dons d’argent et les envois de matériel médical affluent au Vietnam : au 27 avril, la contribution financière des Vietnamiens de l’étranger s’élève à 33 milliards de dongs vietnamiens, soit 1 320 000 euros.

Au Vietnam, le confinement a plongé tout un pan de la population urbaine dans une situation très difficile : marchands ambulants, travailleurs sans contrat, entrepreneurs familiaux... Pour leur venir en aide, la communauté vietnamienne de France a envoyé des dons d’urgence. L’Union Générale des Vietnamiens de France (UGVF) a pu récolter 12 000 euros, l’Association Internationale pour le Développement de l’Enseignement au Vietnam (AIDEV) a pour sa part envoyé 6 900 euros au Vietnam. Beaucoup d’associations et d’individus ont également aidé financièrement les démunis de leur village d’origine, ou apporté leur contribution directe à des organisations humanitaires au Vietnam.

Les communautés vietnamiennes ont aussi pensé à leurs compatriotes confinés, en particulier les personnes âgées, isolées, ou handicapées en France. En région parisienne, avec l’aide de fournisseurs vietnamiens et la mobilisation des étudiants, des produits asiatiques sont livrés à domicile aux personnes âgées.

PLATEFORME D’ENTRAIDE AUX VIÊT KIEU ÂGÉS EN PÉRIODE DE PANDÉMIE COVID 19

Devant la situation de propagation rapide du Covid 19 et suite aux mesures de confinement en France, l’UGVF crée une plateforme nationale d’entraide aux aînés de la communauté vietnamienne en France afin de leur apporter un soutien moral ou logistique.

A cette fin, l’UGVF appelle tous ses membres, fédérations et associations amis à se réunir afin constituer un réseau d’entraide national.

Si vous pouvez consacrer quelques minutes pour :

- Aider nos ainés à faire des courses de première nécessité (produits asiatiques, médicaments…)

- Prêter votre véhicule si vous n’êtes pas vous-même disponible

- Soutenir moralement nos aînés par téléphone, email, etc…

- Proposer une animation (concert, jeux, sport…) en ligne

- Faire un don pour soutenir la plateforme logistique

Et après ?

Le Vietnam, jusqu’à maintenant, n’a pas été trop affecté sur le plan social et humain, mais il est fortement tributaire du commerce mondial. Dans le contexte d’une probable récession planétaire post-pandémique, cela signifie que l'économie et le marché du travail du Vietnam seront sérieusement affectés. Saura-t-il relever les grands défis de l’après-Covid ? Saura t-il profiter de la volonté de diversification des chaines d’approvisionnement des pays européens ? Quelle que soit la capacité de résilience du Vietnam, la diaspora vietnamienne sera comme toujours à ses côtés.

Chronique rédigée par Anh Thu PHAM, membre de l’UGVF, l’union Générale des Vietnamiens de France, membre fondatrice du FORIM

Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala

Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana

Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s 

Le grand témoin, le Docteur Diouf Mamadou Mansour, Médecin anesthésiste-réanimateur à Bordeaux, avec une grande expérience dans l’hôpital de Dakar et des hôpitaux régionaux du Sénégal

Propos recueillis par Khady Sakho Niang, membre du Comité de Suivi du Symposium sur les Sénégalais de l’Extérieur (CSSSE), présidente d’Africa-Europe Diaspora Development Platform (ADEPT), ancienne Présidente du FORIM

Propos retranscris par Benoit Mayaux, chargé de plaidoyer au FORIM

1. Bonjour Docteur Diouf : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et lectrices des ChrocoVies du FORIM ?

2. Actuellement, la situation pandémique que traverse le monde vous projette malgré vous au-devant de la scène internationale. Quelle lecture en faites-vous ?

Bonjour je suis le docteur Diouf Mamadou Mansour, je suis anesthésiste réanimateur installé à Bordeaux. Pour ce qui est de mon cursus, j’ai été formé à l’Ecole Militaire de la Santé de Dakar particulièrement à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. J’ai servi au Sénégal dans l’armée et j’ai servi dans beaucoup d’hôpitaux universitaires notamment au CHU de Fann, à l’hôpital Aristide le Dantec, l’hôpital Général de Grand Yoff, et j’ai également servi dans de nombreux hôpitaux régionaux, pour vous dire que le système hospitalier au Sénégal ne m’est pas inconnu !

Comme on peut le voir depuis que cette maladie a éclaté en chine, et s’est propagée progressivement en Europe, aux Etats-Unis, etc. jusqu’à devenir aujourd’hui une pandémie, on voit des évolutions assez disparates, par exemple au moment où la Chine sort du déconfinement et reprend progressivement une vie normale, en Europe on voit une première tendance à une pente descendante mais attention ! les lendemains du déconfinement sont incertains. Certains redoutent une seconde vague, attendons de voir ce que cela va donner. Pendant ce temps, les Etats-Unis sont devenus l’épicentre de cette pandémie avec son lot de morts, notamment l’état de New York avec une mortalité très importante et une progression rapide, tandis qu’en Afrique après une phase de balbutiement on commence à avoir une augmentation assez inquiétante du nombre de cas. Voilà la situation actuelle. En ce qui concerne les stratégie mises en places, elles varient d’un pays à l’autre. Sur le plan thérapeutique, nous n’avons pas de traitement curatif qui fasse l’unanimité. Les travaux sont en cours et les molécules testées, les protocoles en cours d’évaluation. Nous verrons les résultats dans quelques temps.

3. Vous êtes doublement concerné par ce qui se passe de par votre qualité de médecin en France, membre de la diaspora sénégalaise, avec un regard sur la gestion de cette pandémie sur le double-espace territorial. Est-il facile de porter ces casquettes ?

4. Ceux et celles qui vous suivent sur les réseaux sociaux vous voient mener des combats sur tous les fronts. D’où puisez-vous cette énergie ?

Oui, donc je suis effectivement impliqué dans la prise en charge de cette maladie ici en France, dans sa face la plus hideuse, les formes graves que l’on voit en réanimation parce que j’y travaille, mais je suis de très près ce qui se passe au Sénégal en m’impliquant dans le cadre de la sensibilisation. Est-il facile de porter ces casquettes ? Oui, on ne peut pas rester indifférent à ce qui se passe au pays. On participe par le biais de contributions, soit des publications sur les réseaux sociaux, par le biais de vidéos de sensibilisation, parce que ce que nous vivions ici, nous ne souhaitons pas que nos pays démunis en terme d’infrastructure sanitaire, en terme de plateau technique médical, puissent être confrontés à cette situation, qui serait catastrophique.

Ceux qui me suivent me voient sur tous les fronts. Les combats de la sensibilisation, pour l’information et la communication, expliquer l’importance des mesures barrières, comment porter les masques, les enlever, etc. Sur le plan de certaines décisions qui ne semblent pas opportunes, la mesure d’interdiction des rapatriements des corps, je suis particulièrement impliqué dans ce combat contre l’injustice et l’arbitraire, contre ce qui risque de saper l’unité nationale. Toute cette énergie je la puise du patriotisme

5. Quelle serait votre appréciation globale sur cette crise sanitaire ? Grippe saisonnière ou machine à tuer ?

6. L’Afrique a-t-elle plus de chances de s’en sortir contrairement aux pronostics des oiseaux de mauvais augure ?

Concernant l’appréciation globale, je pense que tout le monde peut se faire son idée. Initialement, ceux qui avait qualifié à tort de grippe banale se sont rendus compte que le virus a des qualités importantes, caractérisées par une contagiosité forte, une forte mortalité au niveaux des groupes vulnérables, des personnes âgées ou avec des pathologies chroniques, qui ont des déficits d’immunités, mais on voit des sujets jeunes maintenant aussi victimes de cette maladie. Tous les jours on en apprend davantage, le virus n’a pas encore livré tous ses secrets. Je pense que cela nous oblige à un apprentissage, à nous préparer, ces maladies transmissibles émergentes sont la conséquence de la dégradation de l’environnement, on va faire face à l’avenir à ces types de maladies. Par analogie à la course à l’armement nucléaire, aujourd’hui c’est la course à l’armement médical. Il faut relever les plateaux techniques des hôpitaux. Les pays qui ont été submergés par la vague ont été pris de cours et se sont rendus comptes des limites de leur plateau et sont en train de se rééquiper. C’est dommage que l’Afrique ne soit pas dans cette perspective.

Les prévisions de l’OMS par rapport à l’hécatombe en Afrique sont basées sur des faits concrets, quand on voit la pauvreté du plateau technique médicale en Afrique, et les comportements irresponsables des populations, tous les ingrédients sont réunis pour une propagation de l’épidémie. On a raison de se faire du souci ! Là où l’Afrique peut avoir un avantage, c’est qu’elle a vu venir pour mettre des stratégies en place, et apprendre des erreurs des autres. On sent une certaine négligence de la maladie, de son potentiel, qui risque de nous prendre de court.

7. Que pensez-vous des solutions et protocoles tels que ceux du Dr Raoult et de Madagascar ?

8. Quels conseils donneriez-vous aux Etats et professionnel.le.s de santé en Afrique pour faire face et contenir la contagion ?

Vous avez certainement remarqué les polémiques sur les protocoles du Dr Raoult. Le monde médical a édicté des règles pour les protocoles, elles sont universellement reconnues mais n’ont pas été appliquées à la lettre par le Dr Raoult. Pour le médicament de nos frères malgaches, ça mérite d’être exploré. Mais ce ne sont pas des recettes à prendre avec un chèque en blanc ! il faut évaluer son efficacité mais également son innocuité, il ne faut pas que ça génère des effets indésirables.

Déjà, que les professionnels se protègent ! le personnel de santé est le plus exposé. Je reçois des informations qui montrent que le matériel adéquat n’est pas toujours disponible, cela fait froid dans le dos. Il faut exiger une protection optimale (masques, lunettes, etc.). Pour ce qui est des stratégies par les autorités, il faut tenir compte des suggestions et des avis de ceux qui vivent l’épidémie (Europe, Etats-Unis), et retenir les leçons pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Nous regardons ce qui a été mis en place au niveau du Sénégal, et nous avons fait des propositions. Par exemple, hospitaliser tous les patients, symptomatiques ou asymptomatiques, qui a été la stratégie au début, nous l’avons critiqué. Les capacités du système hospitalier sénégalais sont limitées et hospitaliser tout le monde n’est pas une bonne option et certains peuvent rester chez eux. Les autorités sont revenues dessus après 2 mois.

La prise en charge dans les hôtels des « cas contacts » ne nous parait pas judicieux. Cet argent devrait servir à équiper les hôpitaux en priorité. Les milliards annoncés dans le cadre de la force COVID 19 doivent être utilisés dans les hôpitaux. Nous sommes face à une crise sanitaire avant d’être une crise économique

9. L’Etat du Sénégal a interdit le rapatriement des sénégalais décédés du COVID-19. Existent-ils des risques qui justifient de telles mesures ?

C’est une mesure discriminatoire, illégale, et qui n’est pas justifiée, sans fondement médical et scientifique. Les autorités consulaires affirment avoir pris cette décision sur la base de recommandations de l’OMS et des spécialistes, nous avons dit que l’OMS n’a jamais dit ça. Le 24 mars, l’OMS a assouplit ses recommandations sur la prise en charge des victimes du COVID 19, et encourage au contraire le respect des croyances et des coutumes en matière funéraire. Par ailleurs, aucun document n’a été produit pour justifier cette mesure. La diaspora a formé un « collectif de rapatriement des corps » avec un pôle juridique, et un pôle médical. Après avoir interpellé en vain les autorités, le pôle juridique a saisi la cour suprême du Sénégal, qui a rendu une décision d’irrecevabilité, en invoquant une « controverse ». Nous espérons que les autorités reviennent à de meilleurs sentiments. La diaspora est déchirée par cette mesure, qui sape le moral et l’unité nationale. Je souhaite que ce problème puisse trouver une issue heureuse pour notre cohésion et que la diaspora ne se sente pas marginalisée et stigmatisée. La nation sénégalaise est une et indivisible[1].

[1] Depuis, le gouvernement sénégalais a autorisé le rapatriement des corps.

Les revers d’un chaos annoncé
Et si la pièce « Hécatombe » se jouait dans d’autres prairies ?

L’épidémie au COVID-19 draine dans ses sillons une vague de polémiques sur les intentions avérées ou supposées d’une destruction programmée de l’Afrique... Vrai ou faux ? Toujours est-il que le doute prépare à la vigilance et à l'alerte. Oui, malgré les prédictions de scénario catastrophe, force est de constater que l’Afrique s’en sort globalement mieux malgré des moyens très limités. Elle est en train de démontrer à la face du monde qu’elle peut prendre son destin en main et ne compter que sur elle-même avant tout.

Réveil d’un continent trop longtemps ankylosé dans la dépendance de relations ombilicales à intérêt unilatéral avec l’occident.   L’histoire et la gestion de la crise pandémique renseignent sur sa capacité de résilience extraordinaire et son génie créateur. Innovation de solutions endogènes testées et reconnues.

Et le Sénégal fort d’une expérience antérieure de gestion, avec succès, de situations épidémiologiques a pris une longueur d’avance pour pouvoir faire face malgré la précocité de la présence des premiers cas sur son territoire.

I. Présentation du pays :

Le Sénégal se situe à l'avancée la plus occidentale du continent africain dans l'Océan Atlantique, au confluent de l'Europe, de l'Afrique et des Amériques, et à un carrefour de grandes routes maritimes et aériennes. Un pays profondément ancré dans la diversité de ses cultures et traditions, mais généreusement ouvert au reste du monde. Le Sénégal renvoie aussi à des légendes telles que : Cheikh Anta Diop, Cheikh Ahmadou Bamba, Aline Sitoe Diatta, Djeubatt Mbodj et bien d’autres icones gardés jalousement dans les replis de l’histoire des résistances africaines. On ne peut évoquer le Sénégal sans faire une petite incursion au trio des chantres de la Négritude que sont Aimé Césaire (Martinique), Léon Gontran Damas (Guyane), Léopold Sédar Senghor (Sénégal).  Ce dernier, premier président du Sénégal indépendant en 1960, poète, grammairien, fut aussi le premier Africain à siéger à l’Académie Française.

Dakar (550 km2), la capitale, est une presqu’île située à l’extrême Ouest.La ville de Dakar (en wolof : Ndakaaru) est la capitale de la République du Sénégal et de la région de Dakar. Elle compte 1 056 0091 habitants sur les 3 630 000 habitants (estimation 20182) que compte l'ensemble de la région de Dakar.

C'est une des quatre communes historiques du Sénégal et l'ancienne capitale de l'Afrique-Occidentale française (AOF). N'occupant que 0,28 % du territoire national, la région de Dakar regroupe sur 550 km2, 25 % de la population et concentre 80 % des activités économiques du pays3. (Source Wikipédia)

Indicateurs socio-économiques - le Sénégal en bref :

Population (Projections 2020)

16 705 608

Population totale des femmes

8 391 358

Population totale des hommes

8 314 250

Superficie (km2)

196 712

Densité (Nbre d’hbts/km2) en 2020

85

Capitale

Dakar

Indicateurs économiques

Croissance économique

PIB Annuel : 6,4%  (2018 - )

Production industrielle : -0,9%  (Fév - 2020)

PIB Trimestriel : -0,5%  (T4 - 2019)

Prix à la consommation

Taux d'inflation (2019) : +1,0%

Echanges extérieurs -Exportation : -42,8%  (Fév - 2020)

Importation : -41,2%  (Fé - 2020)

Prix à l'export : -0,5%  (Fév - 2020)

Prix à l'import : -4,1%  (Fé - 2020)

Indicateurs sociodémographiques

Population

Age moyen de la population : 19

Etat matrimonial et nuptialité

Taux synthétique de fécondité : 4,93

Age moyen de procréation : 30,1

Proportion de célibataires (2013): 43%

Proportion de polygames (2013): 35,2%

Fécondité

- Taux brut de natalité (‰) : 36,5‰

- Taux global de fécondité (%) : 152‰

Mortalité

- Taux brut de mortalité (‰) : 6,8‰

- Espérance de vie à la naissance : 67,4 ans

Source : http://www.sante.gouv.sn/politique-de-sante/pyramide-de-sant%C3%A9

Photo : Zohra Bensemra, Reuters

II. Le Sénégal face au Coronavirus Covid-19 :

Le 1er cas (patient zéro – cas importé) est déclaré au Sénégal le 2 mars 2020. Le 11 mars, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qualifiait de « pandémie » l’épidémie de coronavirus Covid-19 qui sévissait partout dans le monde.

Les réponses gouvernementales

Dès le 23 mars 2020, l’état d’urgence est déclaré au Sénégal accompagné de couvre-feu de 20h à 6h et fermeture des frontières terrestres pour une durée de 21 jours dans un premier temps. S’en est suivie la suspension des vols internationaux vers et depuis le Sénégal jusqu’au 31 mai 2020. Un constat qui malheureusement fera des étrangers et des Sénégalais(e)s de l’extérieur des parias avec une stigmatisation cruelle qui hante encore les imaginaires. D’enfants prodiges, ces braves émigré(e)s sont devenu(e)s des pestiféré(e)s à la limite relégué(e)s au sort réservé au pangolin.

Comme beaucoup de pays, le Sénégal a aussi adopté des mesures barrières pour freiner la pandémie :

Le Fonds Force COVID-19 doté du montant initial de 1000 Milliards de FCFA a été dégagé par l’Etat  du Sénégal pour venir en aide aux populations en difficulté et en support aux structures sanitaires, aux personnels soignants. Le fonds continue à être abondé par les bonnes volontés tous secteurs confondus. Des téléthons COVID sont organisés sur toutes les chaines de télévision pour participer à l’effort de guerre. Cette somme, aussi colossale qu’elle paraisse, correspond à peu près au montant transféré annuellement par la Diaspora Sénégalaise au pays.

Rappelons que La Diaspora Sénégalaise contribue pour plus de 1000 milliards de francs CFA (près de 1,5 milliard d’euros) par an à l’économie nationale, soit près du tiers du budget de l’État pour 2018.  Selon la direction des Sénégalais de l’extérieur, qui dépend du Ministère des Affaires Etrangères, les sénégalais résidant à l’étranger n’ont jamais fait l’objet de recensement. Cependant, les immatriculations consulaires et les recensements généraux de la population permettent de faire des projections comprises entre 2,5 et 3 millions de Sénégalais établis à travers le monde.,

Une enveloppe de 12,5 Milliards de FCFA a été affectée à la Diaspora Sénégalaise pour faire face aux effets collatéraux de la pandémie et notamment à la situation économique catastrophique (chômage, perte d’emploi ou d’opportunité, maladie, décès, etc…). Les Sénégalais vivant à l’extérieur du pays vont donc bénéficier de 12,5 milliards FCFA dans le cadre la gestion des effets du coronavirus. L’annonce a été faite le jeudi 9 avril 2020 par le Ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, lors du point de presse quotidien du gouvernement sénégalais sur le Covid-19.

III- Stratégie adoptée pour combattre le covid19 ? Le génie africain ou l’ingéniosité de la débrouillardise - le cas d’école du Sénégal

Photo : Zohra Bensemra, Reuters

La capacité d’innovation de l’Afrique est énorme et face à l’épreuve inédite, les talents se libèrent et les ripostes s’organisent. Le Sénégal n’échappe pas à ce phénomène de la culture de la débrouille où l’ingéniosité prend le pas sur les moyens et offre ainsi un fort potentiel exploitable à l’échelle nationale, régionale et mondiale. Ce génie doit être boosté et accompagné pour en tirer tous les avantages au profit du progrès universel.

Dans son article du 13 avril, paru dans le Monde[1], Théa Ollivier, soulignait la grande capacité de résilience et riposte des populations face aux multiples défis.  « Le Sénégal offre une histoire et une tradition remarquables en recherche et développement, en éducation et en riposte aux épidémies. L’Institut Pasteur de Dakar produit déjà un vaccin contre la fièvre jaune. Il est même l’un des quatre fabricants mondiaux avec pré qualification par l’OMS. Preuve que le lieu dispose d’un ensemble de compétences uniques qui s’étendent de la recherche à la production ».

[1] L’article complet pourrait être consulté ici : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/04/13/dakar-va-produire-des-tests-rapides-de-depistage-du-coronavirus-a-moins-d-un-euro_6036469_3212.html

TEST à moins de 1 euros

Dans le même article, le professeur Sall de l’institut Pasteur de Dakar de revendiquer la chance historique de l’Afrique en ces termes : « la capacité d’innovation est énorme en Afrique » et il est primordial « d’augmenter la production locale sur le continent », revendique le professeur Sall, fier de contribuer au niveau mondial à la lutte contre cette pandémie. « Nous produisons en fonction de la demande pour éviter les pertes, localement au Sénégal avec une main-d’œuvre moins chère et une proximité des lieux …».

Ces tests du Covid-19 devront coûter moins d’un euro, soit « 5 à 20 fois moins chers que les tests moléculaires actuels », estime M. Diagne.

Une autre initiative révolutionnaire en cours pourrait être une innovation majeure au profit de l’Afrique et du reste du monde : Quatre enseignants-chercheurs Sénégalais fabriquent un respirateur artificiel

Quatre enseignants-chercheurs du Sénégal travaillent sur la mobilisation de leurs expertises et savoir-faire pour trouver des alternatives aux manques criants de moyens permettant faire face aux cas critiques du COVID. Ces enseignants-chercheurs qui servent à l’Ecole Polytechnique de Thiès ont créé un prototype de respirateur artificiel qui pourrait aider le Sénégal à éviter le pire en cas de multiplication de cas sérieux de Covid-19.

Cas des 13 Sénégalais bloqués à Wuhan

Déjà dès le 05 février, RFI titrait dans un reportage[1] : « Polémique au Sénégal sur le non rapatriement des étudiants confinés à Wuhan »

Le Sénégal a donc été très tôt confronté à l’épidémie du Coronavirus, qu’il a vécu par procuration bien avant son premier cas déclaré, importé de France (patient zéro), puis d’Angleterre et d’Italie. D’où la hantise des populations de tout ce qui vient d’Europe.

En effet dès le début du mois de février, 13 étudiants(e)s vivant en chine et plus précisément à Wuhan lançaient l’alerte et demandaient par l’intermédiaire de leur famille à être rapatriés au Sénégal. Beaucoup d’encre et de salive ont coulé pour laisser place à des positionnements politiques et des critiques acerbes envers les autorités qui après tergiversation avaient finalement pris la décision de non rapatriement des 13 étudiant(e)s contrairement à la France et beaucoup d’autres pays Européens. Cette mesure s’est avérée par la suite être une sage décision. En effet tous les pays qui avaient cédé à la panique en affrétant des vols pour rapatrier leurs ressortissant(e)s, même avec des mesures de quarantaines systématiques ont connu des vagues incontrôlées de cas sous les formes les plus graves.

Des mesures préventives ont été prises à temps pour certains et pour d’autres, la fermeture des frontières a mis du temps à être effective. Ce qui a engendré une vague de cas importés au nombre desquels des Sénégalais de l’extérieur.

Toujours est-il que toutes ces décisions prises ont eu des dégâts collatéraux sur certaines catégories de populations. Les migrant(e)s n’y ont pas échappé.  Certains sont bloqués dans les frontières du Maroc, de la Lybie, de l’Algérie dans des conditions extrêmement difficiles et ne pouvant faire demi-tour pour rentrer au Sénégal.

[1] Lire le reportage : http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200204-senegal-polemique-non-rapatriement-etudiants-wuhan-chine-coronavirus

IV- Initiatives citoyennes ici et là-bas

Photo : AFP

Face à la pandémie du Covid-19, plusieurs initiatives viennent renforcer les dynamiques de solidarité, dans les deux espaces. Les membres de la diaspora sénégalaise en France s’illustrent dans les aides d’urgence de proximité dans les quartiers et les foyers, mais aussi en faveur des familles au Sénégal.

On peut citer ici l'action citoyenne de la boutique "Barkatou" dans le 18ème arrondissement de Paris, qui a confectionné des masques en tissu pour les offrir aux habitants du quartier.

C'est également le cas de la boutique "Nassa Retoucherie", à Goussainville (95) qui a réalisé 500 masques qui ont été remis à la mairie.

Coup de cœur Initiatives Citoyennes solidaires :
ASP Diakarlo, membre du COSIM Normandie
L’Association s’est illustrée dans la Confectionne des blouses et masques pour les CHU et unité de soin

100 masques pour Petit Quevilly et Blouses Blanches pour le CHU de Rouen

Solidarité Financières

En lien avec les communautés d’origine, on note la montée en puissance du cash-to-good avec livraison à domicile de courses achetées et payées en ligne par les Sénégalais de l’Extérieur, pour éviter à leurs proches les risques de contagion dans les marchés. De plus, la difficulté des circuits informels de transfert d’argent incite à renforcer les solutions de transfert en ligne (mobile Banking et autres), qui pourraient devenir des alternatives durables.

Interview et chronique réalisées par Khady Sakho Niang, membre du Comité de Suivi du Symposium sur les Sénégalais de l’Extérieur (CSSSE), présidente d’Africa-Europe Diaspora Development Platform (ADEPT), ancienne Présidente du FORIM

Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala

Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana

Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s 

Hamedy Diarra est un important militant associatif de la diaspora malienne en France depuis 1976 où il a commencé son engagement dans les mouvements de lutte pour la libération de Nelson Mandela et contre l’apartheid. Un militant infatigable de toutes les luttes des migrants des années 70 et 80, qui ont notamment abouti en 1981 à l’obtention du droit de création des associations par les migrants. Il est aussi un responsable associatif de haut niveau au Haut Conseil des Maliens de France (HCMF) et au FORIM.

Hamedy Diarra s’est aussi engagé dans de très nombreuses études-actions et formations portant sur la migration, sur le rôle des migrants dans le développement de leur pays d’origine auprès de nombreux organismes en France.

Il a également mené de nombreuses interventions dans des colloques, séminaires et stages sur l'immigration en France et en Europe, a organisé des rencontres entre acteurs sociaux, institutions et collectivités locales.

Il a publié des articles dans les journaux et revues en Europe comme Hommes & Migrations, La Croix, Techniques Financières & Développement, Demain le Monde, Antipodes. Enfin, Hamedy Diarra fait partie de l’équipe de recherche du G.R.E.M (Groupe de Recherche et d’Etude sur Migrations et Transformations Sociales).


Le Mali, a une superficie de 1 241 238 km² pour une population de 19,5 millions d’habitants (2018), qui se répartissent entre 42% d’urbains et 58% de ruraux (2018). Cette population a une espérance de vie à la naissance de 65,7 ans pour les hommes et 68,2 ans pour les femmes (2016), et un taux de fécondité de 6,06 (2016). Le taux d’alphabétisation des 15 ans et plus est de 45% pour les hommes et 22% pour les femmes (2015)

Une prise de conscience tardive

Au Mali, la population s’est vraiment sentie concernée par la pandémie de coronavirus quand on a appris que trois cas de Maliens étaient déclarés, à la mi-mars. Il s’agissait de Maliens rentrés de France. La population au Mali a pu mettre un nom sur des personnes, ce qui a provoqué une prise de conscience collective.

Les derniers chiffres connus au 26 avril 2020 sont 389 cas confirmés, 112 cas soignés et 23 décédés.

Les mesures prises par les autorités

Le président de la République du Mali Ibrahim Boubacar Keïta a décrété l'état d'urgence, instauré un couvre-feu de 21h à 5h du matin, décidé de fermer les lieux publics et de recommander les « gestes barrières ». Mais pas de confiner la population. Il y a eu un débat car le second tour des élections législatives s’est quand même tenu le 19 avril.

Les chefs religieux, se sont mobilisés pour soutenir ces mesures, notamment de fermeture des lieux publics dont les mosquées. Ainsi, le président du Haut Conseil Islamique du Mali a produit une vidéo expliquant d’une façon pédagogique qu’il faut se protéger et protéger les autres, en puisant dans les références historiques de l’Islam.

Cependant, les gens ont du mal à suivre les attitudes barrières qui imposent de rompre avec les gestes de salutation qui s’effectuent dans la proximité.

La situation de blocage des transports et d’interdiction de rassemblement pénalise durement les personnes qui vivent au jour le jour dans des activités informelles. Les autorités ont pris des mesures de soutien aux personnes démunies comme la prise en charge des factures d’électricité et d’eau, et la distribution de denrées notamment en riz et en lait. Les coupures d’eau et d’électricité, récurrentes, compliquent fortement la situation des personnes vulnérables. Comment se laver les mains si on n’a pas d’eau ?

Des importations massives de céréales ont été effectuées pour assurer la sécurité alimentaire au niveau national. Cependant, au niveau des personnes, la distribution vers les familles nécessiteuses reste problématique.

Mais la solidarité de proximité, au sein des familles, reste forte et permet de dominer ces situations difficiles.

Ainsi, les initiatives de fabrication des masques en tissu se multiplient, notamment par les artisans couturiers, en suivant un modèle homologué fourni par l’Etat.

Un vrai risque, la situation alimentaire

Il y a bien sûr la pandémie qui complique la vie quotidienne de toute la population, mais il y a une autre menace, peut être plus sérieuse. Cette année, les cultures sont affectées par un manque de pluie, notamment dans la région Ouest (Kayes), et la situation risque de devenir sérieuse sur le plan alimentaire dans un ou deux mois. On a ainsi un cumul de difficultés liées à l’insécurité, aux raisons climatiques, qui s’ajoutent aux difficultés sanitaires qui proviennent de la pandémie.

Inquiétude au Mali pour les parents émigrés

Au Mali, les gens sont plus inquiets pour leurs parents vivant en France, compte tenu de l’importance des contaminations et des décès qui y surviennent.

En France, la communauté malienne a été durement touchée. A ce jour, près de 40 personnes sont décédées. Ces décès posent un grave problème de transfert des corps. Les vols entre la France et le Mali sont suspendus actuellement. En conséquence, les corps des personnes décédées sont placées dans des morgues saturées, en attente en attente de lieux d’inhumation dans un cimetière en France.

Une partie importante de la communauté est au travail en France dans les métiers essentiels, notamment dans le gardiennage, mais aussi dans des secteurs qui ne permettent pas de pratiquer le télétravail.

Le jeûne du mois de Ramadan se passe bien, mais on ne peut pas aller à la prière collective à la mosquée. Les gens prient chez eux.

La solidarité au sein de la communauté malienne en France reste très forte. Elle est « naturelle », on en parle peu, mais elle est présente et assure une sécurité certaine aux familles. Les actions de soutien se font entre personnes qui se connaissent directement.

Des transferts d’argent difficiles vers les familles au Mali

Il y a un vrai problème pour transférer l’argent vers les familles au pays. Avant le confinement, les transferts d’argent s’effectuaient directement par l’intermédiaire de personnes connues dans la communauté. 

Maintenant, il faut passer par des agences, et il faut chercher des agences ouvertes, elles sont bien rares. On en trouve cependant quelques-unes dans des épiceries tenues par des maghrébins, indiens ou pakistanais, et elles permettent d’assurer un transfert seulement vers les grandes villes du Mali, le jour même, mais reste très limités. Les familles manquent le soutien financier habituel, surtout en période de Ramadan.

Interview recueillie par Jacques Ould Aoudia, le 28 avril 2020

Chronique rédigée de Hamedy Diarra par Jacques Ould Aoudia, vice-président de Migrations & Développement

Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala

Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana

Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s 


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Alors que le monde semble en suspens depuis l’annonce du confinement, le tragique impact laissé par le Covid-19 a de forts impacts sur la solidarité internationale et ses activités. En effet, À cause de la pandémie de coronavirus, les travailleurs migrants pourraient envoyer moins d'argent dans leur pays d'origine, soit 20% de moins selon la Banque Mondiale. Frontières fermées et mobilité limitée, les Organisations de Solidarité Internationale issues de l’Immigration (OSIM) sont partagées entre le respect du confinement pour préserver la santé de tous et développer des actions et mobiliser leurs réseaux au service de leur pays d’origine.


L’appel à projets PRA/OSIM 2020 ayant été lancé le 16 mars 2020, plusieurs questionnements en sont ressortis sur comment bien assurer son déroulement. Le FORIM a donc constitué un groupe de travail spécial covid-19 afin d’apporter différents appuis aux initiatives de solidarité faites par ses membres, dont l’organisation des Opérateurs d’Appui Labellisés (OPAP), acteurs cruciaux du dispositif du PRA/OSIM via l’accompagnement appuyé offert aux OSIM pour répondre à l’appel à projets. Ibrahima Diabakate et Moussa Drame, chargés d'appui du RAME (Réseau des Associations Mauritanienne d’Europe), Opérateur d'Appui Labellisé PRA/OSIM cette année, ont voulu faire part de leur retour d’expérience sur leur méthode d’organisation en période de confinement.

1. Quelle a été la réaction du RAME quand l'appel à projets a été lancé ?

Nous avons totalement compris que l’appel à projets PRA/OSIM devait se poursuivre et nous avons vite essayé de trouver des solutions. Nous avons rapidement contacté notre trésorier afin d’acheter une licence ZOOM, suite à son utilisation fréquente au FORIM, et pouvoir organiser nos réunions grâce à cet outil.

2.Est-ce qu’il a été simple de mobiliser votre réseau d'OSIM et les réunir sur ZOOM ?

Oui et je tiens à remercier l’équipe technique du FORIM grâce à son partage d’expérience qui nous a conforté dans notre choix, notamment grâce à la mise à disposition d’une formation à l’outil version organisateur et utilisateur. Pour nous, ça représente une opportunité de sensibiliser les OSIM à utiliser des outils en ligne qui devait arriver tôt ou tard et nous pensons qu’elles aussi sont motivées à s’adapter pour leur permettre d’être accompagnées dans les meilleures conditions possibles.

La mobilisation des OSIM s’est faite de manière assez simple, plusieurs OSIM nous contactent pendant l’année et nous faisons en sorte de garder contact et de les notifier dès que l’appel à projets est lancé. On les encourage d’ailleurs à commencer à se familiariser avec le dossier de candidature de l’année précédente et le remplir progressivement. Il y aussi ceux qui ont été accompagné l’année dernière mais dont le dossier n’a pas été déposé soit par manque de temps ou manque de réflexion sur leur dossier.

Nous nous sommes assurés de bien expliquer aux OSIM qu’au vu des circonstances actuelles, nous devions nous adapter pour faire en sorte de leur fournir un accompagnement de qualité, nous avons essayé de simplifier au maximum le processus d’accompagnement en ligne pour ne décourager aucun porteur de projet peu importe son expérience.

3. Quelles sont les principales difficultés en tant qu'OPAP en période de confinement ?

Nous avons identifié 3 types de difficultés pour l’instant. La première est liée au matériel, il y a des OSIM qui n’ont pas forcément d’ordinateur pour se connecter et le font via leur téléphone, ce qui peut faire l’affaire pendant les réunions d’information. Mais quand il s’agit d’ateliers d’écriture cela est plus compliqué car nous projetons essentiellement et avons recours au partage d’écran.

La deuxième est liée à l’environnement au sein des foyers de chacun. Beaucoup sont des parents avec des enfants, ou n’ont simplement pas l’espace adéquat pour pouvoir se concentrer dans les bonnes conditions. Et la troisième, et celle qui nous inquiète le plus, est liée aux compétences techniques des porteurs de projet qui ne sont malheureusement pas encore autonome quant au montage de leur dossier. Ce public représente au moins 60% des OSIM qui font appel à nous et sont généralement des associations villageoises. Et quand on n’a pas d’expérience en montage de projet c’est souvent compliqué la première fois. Jusqu’à maintenant, nous arrivons à nous organiser mais à voir sur le long terme. Nous pensons nous orienter vers un accompagnement personnalisé.

4. Combien d'ateliers d'écriture/réunions d'information ont été organisé jusqu'à maintenant ? Est-ce que ça s'est bien passé ?

Pour l’instant nous avons organisé deux réunions : une réunion d’information pour expliquer l’appel à projets PRA/OSIM, nous avions réussi à réunir 40 personnes sur ZOOM pendant la 1ère réunion d’information, avec en plus une partie de l’équipe technique du FORIM que nous remercions pour leur présence.

Nous avons mis en place un drive et avons invité toutes les OSIM à créer un espace afin d’y transférer leurs dossiers, ça permet déjà d’avoir un espace collaboratif et faire le point sur combien de projets sont éligibles, combien ont besoin d’accompagnements et leur état d’avancement. Nous avons ensuite organisé une deuxième réunion pour faire un état des lieux approfondi car beaucoup assistent au début en ayant simplement une idée mais ne vont pas jusqu’au bout. Nous en sommes à 12 projets qui nous ont été envoyé jusqu’à maintenant.

Nous avons aussi fait une réunion d’équipe au sein du RAME pour se répartir les OSIM en groupe sur 4 chargés d’appui afin de pouvoir fournir un accompagnement personnalisé.

5. Est ce que vous pensez que ce confinement aura un impact sur la qualité et l'éligibilité des projets déposés ?

Nous pensons qu’effectivement il y aura des impacts, notamment sur le nombre de projets éligibles déposés. Avec le confinement, peut-être que notre capacité d’accompagnement va être limitée.

Autre impact aussi sur les porteurs de projet qui n’ont pas l’expérience et les compétences techniques qui sont souvent des associations peu structurées et ça nous tient vraiment à cœur de les accompagner et d’avoir au moins une association de ce type qui dépose son projet mais malheureusement cela risque d’être très compliqué avec le confinement.

Nous pensons même qu’elles ne prendront même pas la peine de solliciter un accompagnement car le numérique représente un grand frein. Les associations éloignées ou qui n’ont pas forcément des personnes de leur entourage pour les aider seront surement malgré elles mises de côté.

Toutefois pour rester positif, cette situation peut très bien présenter une bonne opportunité pour faire accepter le changement numérique qui est en cours au PRA/OSIM via son chantier de dématérialisation. Tous les changements sont difficiles à accepter mais le numérique représente l’avenir et reste un excellent moyen de réunir toute OSIM venant du nord ou du sud – à noter même qu’on a déjà eu des associations locales du sud et partenaires de nos OSIM qui ont pu participer à nos réunions grâce à cela et bénéficier aussi de notre accompagnement.

Vous pouvez visionner différents ateliers d'écriture et réunions d'information donnés par le RAME (Réseau d'Associations Mauritaniennes d'Europe) avec différents témoignages sur leur méthodologie d'accompagnement des OSIM en tant qu'Opérateur d'Appui



En savoir plus sur le RAME

I. Le Congo Brazzaville : le pétrole, la pauvreté et le drame silencieux d’une population confinée aux poches vides.

Le pays, à cheval sur l’équateur, s’étend sur 1 500 km du nord au sud et 425 km d'est en ouest. Une population 5, 3 millions d’habitants répartie sur une superficie de 341 821 km2 parcourue par de nombreux cours d’eau dont 2 grands : le fleuve Congo, arrose la zone nord forestière marécageuse et poissonneuse riche de plusieurs affluents (tracés bleus sur la carte) ; 2è plus grand fleuve du monde en débit (80 832 m3/s) après l’Amazone, et le Kouilou-Niari qui arrose la zone sud constituée de savanes aux terres fertiles et agricoles.

La population et les infrastructures de transport : le Congo Brazzaville est classé 176° en indice de développement humain (IDH= 0,60 en 2016). Les taux d’alphabétisation en Français sont de 80,9 % (2015). Les taux de natalité et de mortalité sont respectivement de 35.10 et 9,7 pour 1000. L’espérance de vie est de 64,30 ans (2016). L’UNICEF estime qu’au moins 26 % des enfants de moins de 5 ans sont victimes de malnutrition chronique, 14 % d’insuffisance pondérale et 7% de maigreur.

La population est jeune, et plutôt concentrée dans les villes. Brazzaville la capitale administrative compte 1,8 millions d’habitants (2017) et Pointe-Noire la capitale économique, ville portuaire et pétrolière est de 1,16 millions d’habitants. Les fonctionnaires retraités sont à plus de 18 mois de retard de pension, et les employés des collectivités locales de l’intérieur du pays sont à plus de 30 mois de retard de salaires.

Les infrastructures routières sont constituées de deux grands axes routiers : la route nationale 1 (RN1 ou route du sud), longue de 520 km environ, relie Brazzaville à Pointe-Noire ; elle a été bitumée de 2008 à 2016. La route nationale 2 (RN2 ou route du nord) longue de 850 km relie Brazzaville à Ouesso (bitumée de 1976 à 1985).

Le chemin de fer est constitué de deux axes : Brazzaville – Pointe Noire en passant par Dolisie (512 km, construit de 1921 à 1934), et un embranchement qui relie Dolisie à MBinda à la frontière avec le Gabon (285 km, construit de 1959 à 1962) permettait d’évacuer le manganèse et le bois du Gabon jusque dans les années 2000.

Les langues de communications sont le Français, le Lingala et le Kituba (encore appelé « Kikongo »).

La population et les infrastructures de transport : le Congo Brazzaville est classé 176° en indice de développement humain (IDH= 0,60 en 2016). Les taux d’alphabétisation en Français sont de 80,9 % (2015). Les taux de natalité et de mortalité sont respectivement de 35.10 et 9,7 pour 1000. L’espérance de vie est de 64,30 ans (2016). L’UNICEF estime qu’au moins 26 % des enfants de moins de 5 ans sont victimes de malnutrition chronique, 14 % d’insuffisance pondérale et 7% de maigreur.

La population est jeune, et plutôt concentrée dans les villes. Brazzaville la capitale administrative compte 1,8 millions d’habitants (2017) et Pointe-Noire la capitale économique, ville portuaire et pétrolière est de 1,16 millions d’habitants. Les fonctionnaires retraités sont à plus de 18 mois de retard de pension, et les employés des collectivités locales de l’intérieur du pays sont à plus de 30 mois de retard de salaires.

Les infrastructures routières sont constituées de deux grands axes routiers : la route nationale 1 (RN1 ou route du sud), longue de 520 km environ, relie Brazzaville à Pointe-Noire ; elle a été bitumée de 2008 à 2016. La route nationale 2 (RN2 ou route du nord) longue de 850 km relie Brazzaville à Ouesso (bitumée de 1976 à 1985).

Le chemin de fer est constitué de deux axes : Brazzaville – Pointe Noire en passant par Dolisie (512 km, construit de 1921 à 1934), et un embranchement qui relie Dolisie à MBinda à la frontière avec le Gabon (285 km, construit de 1959 à 1962) permettait d’évacuer le manganèse et le bois du Gabon jusque dans les années 2000.

Les langues de communications sont le Français, le Lingala et le Kituba (encore appelé « Kikongo »).

Le pétrole offshore représente plus de 70% des recettes de l’Etat, et est exploité par TOTAL (le plus important producteur, 60% officiellement), ENI, Exxon Mobil et Chevron-Texaco au large de Pointe-Noire dans l’océan Atlantique. Une production estimé à 105 millions de barils en 2011 qui s’est effondrée à partir de 2016, provoquant le départ de plus de 75% des expatriés européens et la faillite de nombreuses petites et moyennes entreprises.

Le taux de chômage pourrait frôler la barre de 46% de la population. La production pétrolière officielle actuelle est de 350 000 barils de pétrole par jour.

Le pays a connu deux épisodes de guerre civile meurtrière, en 1993 puis 1997-2000 qui ont dévasté les systèmes de santé et d’éduction. Englué dans une dette estimée à 10,7 milliards de dollars (117% du PIB), le Gouvernement a conclu en juillet 2019 un accord avec le Fond Monétaire international de 448,6 millions de dollars (399 millions d’euros) avec libération d’une première tranche 44,9 millions de dollars. La suite est conditionnée par la réduction d’une corruption endémique et l’amélioration de la gouvernance.

Une histoire vécue représente bien les faillites du système de santé

En novembre 2019, le représentant à Brazzaville d’une OSIM membre de CAPCOS (*), cadre de la fonction publique, a été victime d’une hernie discale lui paralysant le pied droit. Transporté au plus grand hôpital de Brazzaville, le CHU appelé couramment « l’Hôpital Général », les médecins lui prescrivent un scanner (IRM). Des 3 scanners de la ville, un seul était en état de fonctionnement : celui d’une petite clinique privée située près du CHU. Le malheureux patient venait d’avoir 60 ans, c’est-à-dire l’âge de la retraite d’office. Il s’est donc retrouvé sans ressources, son dossier de demande de prolongation de deux années supplémentaires déposé un an plus tôt à la demande de son ministère de tutelle, n’avait pas été signé par le ministère des finances. Comme d’habitude la solidarité familiale de la diaspora de France s’était organisée pour lui venir en aide. Après le scanner, deux des trois médecins traitants firent pression pour qu’il accepte une opération chirurgicale, tandis que le troisième (le chef hiérarchique) préconisait d’attendre d’abord l’effet des médicaments administrés. Coût de l’opération 1 700 000 CFA (2 590 €). Le malheureux avait beau clamer son dénuement, donc son incapacité à trouver une telle somme, les deux médecins sont revenus sans cesse mettre la pression pendant 7 jours, en l’absence de leur supérieur hiérarchique. Les donateurs de la diaspora furent prévenus par d’autres médecins de tout faire pour éviter l’opération chirurgicale car, le CHU de Brazzaville, devenu « C-Hache tUe » , il n’en sortirait pas vivant compte-tenu du sous-équipement, de l’insuffisance des compétences et des conditions déplorables d’exercice.

Fort heureusement, sa jambe commença à reprendre des forces. Le Médecin-chef lui prescrivit des séances de kiné et le renvoya chez lui après 15 jours d’hospitalisation. La pauvreté l’avait donc sauvé d’une mort presque programmée, susceptible d’être provoquée par la cupidité d’une partie de l’équipe soignante, qui pensait plus à assurer les recettes de la survie quotidienne, qu’à préserver la santé des malades (une situation très courante là-bas, aux dires de beaucoup de personnes). La solidarité de la diaspora de France avait aussi joué son rôle d’amortisseur des souffrances des populations.

II. Les mesures prises par le gouvernement pour limiter la pandémie du COVID-19

Dès l’annonce par le gouvernement de la date de début du confinement, planifiée au le 1er avril 2020, il a été observé un grand mouvement de déplacement des populations de Brazzaville et Pointe-Noire vers l’intérieur du pays, les villages. De nombreuses personnes ont pris d’assaut les bus et autres moyens de déplacement. Les phrases entendues « au village au moins, on peut manger. Pour la santé on s’en remet à Dieu ».

Dès que les premiers cas de décès du COVID-19 ont été connus fin mars, les pouvoirs publics ont instauré le confinement et le couvre-feu. Mardi 1er avril, premier jour de confinement, le Congo déplorait officiellement 22 cas de COVOD-19 dont 2 décès. Les populations parlent de « villes mortes » : pas de circulation de voitures, de taxis, de petits bus privés appelés « Foula-Foula ou Cent-Cent », référence au prix du billet pratiqué naguère à l’instauration du système. Seuls véhicules autorisés dans Brazzaville et Pointe-Noire, les grands bus de la Mairie, appelés « les mal-à-l’aise » (qui ne circulent pas dans tous les quartiers), les motos, les bicyclettes, « les pousse-pousse » (une sorte de chariots à 2 roues poussés à la force des bras ; habituellement utilisés en ville pour transporter des marchandises sur de très courtes distances et à moindre coût, transportent actuellement les personnes, faute de taxis), et bien entendu les véhicules des militaires et policiers, des autorités et quelques rares ambulances. Fermeture des débits de boissons, des lieux de culte et des marchés au tout début (la principale activité des populations et source de revenu quotidien pour survivre). Heureusement que les marchés ont été réouverts après deux semaines, pour les lundi, mercredi et vendredi, peut-être en raison de la multiplication des pillages nocturnes des épiceries à Brazzaville. Liaisons interrompues entre les villes. Pour circuler dans la ville en voiture particulière, il faut obtenir un laisser-passer délivré par les mairies d’arrondissements à Brazzaville. Deux semaines après, cette prérogative a été recentralisée à la direction générale de la police, située au centre-ville. Il est devenu pénible pour les populations de la périphérie, de se rendre à pied au centre-ville pour obtenir un laisser-passer qui permet d’emmener ensuite un malade à l’hôpital.

Dans les villes moyennes du Congo, il n’y a pas de bus « mal-à-l’aise ». Lorsque nous avons posé la question du confinement aux représentants de nos OSIM, ils nous ont répondu : « ici les policiers et gendarmes veillent au respect des consignes, pas de voitures particulières, laisser-passer obligatoire pour circuler même à moto, pas plus de trois passagers dans une « voiture-taxi » ou « voiture-bus » appelé « cent-cent ». Y a-t-il port de masque ? Non.

III. Du COVID-19 à « la poche vide-20 » et le « ventre vide-20 » : le confinement contesté

En France, le confinement a été instauré pour casser la vitesse de propagation du virus afin d’éviter la saturation du système sanitaire de réanimation. Au Congo le confinement a été instauré pour un mois et prolongé jusqu’au 9 mai, dans l’espoir d’enrayer très tôt la progression du virus car le système de santé de réanimation est inopérant, presque inexistant.

Une expression fait fureur actuellement dans certains quartiers de Brazzaville. Le COVID-19 a donné naissance à trois autres virus tout aussi virulents : « la pochevide-20 », « le frigovide-20 » et « le ventrevide-20 ». Les symptômes observables sont : « douleurs abdominales », « pleurs des enfants » et « colère généralisée dans le foyer ». Le traitement prescrit : l’argent et la nourriture.

Afin de remonter le moral de nos interlocuteurs au téléphone, il nous arrive de leur faire observer que la proportion de population âgée de plus de 75 ans est très faible et qu’il y a peu de comorbidité de type diabète, insuffisance rénale et difficulté respiratoire dans les couches populaires de la société. Bien que l’hypertension et l’asthme soient plus fréquents, les individus âgés de plus de 60 ans sont issus d’une sur-sélection naturelle, donc sont des forces de la nature. De là viendra peut-être le salut, en association avec le confinement s’il ne dure pas trop longtemps.

IV. Pour conclure, deux initiatives citoyennes d’OSIM d’ici et là-bas parmi bien d’autres

L’association des commerçants Mauritaniens du département de la BOUENZA a offert au Préfet, samedi 18 avril, des denrées alimentaires d’une valeur de 4 000 000 FCA (6 098 euros) à distribuer aux populations vulnérables : riz, huile d’arachide et savon. Il faut souligner que le commerce de détail est entièrement aux mains des Libanais, Mauritaniens et ressortissants de l’Afrique de l’ouest. Un héritage de la période communiste du pouvoir politique (1969 – 1992) qui interdisait l’exercice de toute activité capitaliste aux Congolais. Le département de la Bouenza est le 4è foyer de peuplement du Congo avec 310 000 habitants environ.

Les quelques images (ci-dessous) illustrent le travail de l’OSIM ASU (Association de Solidarité Universelle) membre de CAPCOS qui mène actuellement des actions dans un quartier populaire de Brazzaville. L’association organise la confection artisanale de masques avec le tissu WAX (non sanitaire) et leur distribution, la mise à disposition de patron de confection pour la fabrication de masques. En partenariat avec d’autres OSIM françaises, elle met en place la distribution de kits alimentaires.

Bien entendu, d’autres associations et quelques personnalités tentent de soulager, ici et là, la grande détresse dans les quartiers populaires des deux grandes villes. Mais ce ne sont que des gouttes d’eau dans un océan de misère. Alors, les populations sont lasses en cette fin de mois d’avril, et dans certains endroits, les consignes du couvre-feu et du confinement sont de moins en moins respectées, en dépit d’une présence policière importante. Aux injonctions des policiers, certaines vendeuses le long des rues rétorquent : « à quoi bon mourir de faim pour préserver une vie de misère ? ».

Chronique rédigée par : Ernest Moussoki, Président de CAPCOS, Coordination d’Appui aux Projets de Solidarité Internationale pour le Congo Brazzaville

Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala

Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana

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I. Informations générales sur l’environnement et le système de santé [i] :

L’environnement

D’une longueur de 1600 kms et de 580 kms dans sa plus grande largeur, la grande île est située au Sud-ouest de l'Océan Indien, séparée de 400 kms du continent africain par le Canal de Mozambique. En 2019, Madagascar occupe le cinquième rang du classement des pays qui produisent le moins de richesses par habitant, avec un PIB par habitant de 471 dollars pour une population de 27,06 millions d'habitants.  

Au classement IDH, la Grande-île a reculé au 161e rang sur 189 pays. Les inégalités sociales y sont très marquées. Madagascar est l’un des pays les plus pauvres au monde avec 74 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté et 50% en situation d’extrême précarité. Le taux de couverture sociale est inférieur à 20%. 37% de la population vivrait en zone urbaine. 11% des actifs sont salariés (89% relèvent donc du secteur informel)

La population est jeune : 64% de la population a moins de 25 ans, 47% moins de 15 ans. Cette jeunesse de la population caractérise une demande sociale croissante en éducation, santé, emplois, logements et infrastructures, et pose de fait un défi environnemental.

 

 

Carte des cyclones tropicaux majeurs (de catégorie 3 et plus) ayant frappé Madagascar entre 1983 et 2016. Source : Historical Hurricane Tracks, NOAA (Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique

Données santé et données sociales[ii]  

Des problèmes sanitaires cruciaux persistent à Madagascar, problèmes aggravés par les urgences cycliques et les cataclysmes naturels (cyclones et inondations, sècheresse, sauterelles, …). Dans la perspective d’une expansion de COVID-19, les éléments de risque suivants pourraient fragiliser la population malagasy et le système de santé dans son ensemble :

- Les personnes âgées de 60 ans et plus représentent 5% de la population. Les maladies cardiovasculaires constituent le premier motif d’hospitalisation des personnes âgées avec 38% des cas. 3,9% des malades hospitalisés sont affectés de diabète. 11,6% des hospitalisations sont dues aux affections broncho-pulmonaires.

- Les maladies non transmissibles sont responsables de 49% des décès dans le pays. En outre, 36 % de la population présente une hypertension artérielle (HTA) et 880 000 sont diabétiques (2014).

- Les indicateurs de santé maternelle et infantile sont à des niveaux particulièrement inquiétants. La prévalence des Infections Respiratoires Aiguës chez l’enfant est passée de 3 % en 2008 à 11 % en 2012. La proportion d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition chronique avec retard de croissance stagne à un niveau élevé de 47 % en 2012. Le ratio de mortalité maternelle reste à un niveau élevé depuis deux décennies. Pour 100 000 naissances vivantes on recense encore 478 décès maternels en 2012 et 23,6% de ces décès sont dus aux septicémies.

- Enfin, la persistance des maladies infectieuses et tropicales met en lumière des problèmes structurels d’accès à l’eau potable, d’hygiène et d’assainissement. En corollaire, le taux d’incidence du paludisme (nombre de personnes susceptibles d’être infectées) est passé de 6% à 12% de 2010 à 2015, avec une recrudescence particulière dans les régions Sud-est et Sud- ouest. En 2013, la prévalence du paludisme était de 9 %.

- De même, le nombre recensé de cas de tuberculose a augmenté de 3,1% entre 2014 et 2015. L’Ile constate par ailleurs 1500 nouveaux cas de lèpre par an et recense le plus grand nombre de cas de peste au monde, avec 515 cas rapportés en 2015.

- 2017 a connu un épisode épidémique de peste pulmonaire et bubonique violent qui a été particulièrement  traumatisant pour la population. On aura constaté à Madagascar 75% des cas de peste recensés dans le monde par l'OMS

- Les maladies tropicales négligées (filariose, bilharzioses, cysticercose...) restent de forte prévalence.

- Une épidémie de rougeole meurtrière (2018-2019) s’est caractérisée à Madagascar par 115 000 cas recensés et 1 200 décès. A sa source, la faiblesse de la couverture vaccinale, aggravée par la malnutrition infantile.

[iI] ibid

Le système de santé

Le système de santé malagasy, fortement tributaire des aides extérieures et sans stratégie claire de financement, souffre en outre d’une faible capacité de leadership, accentuée par l’instabilité institutionnelle et sociopolitique et un faible alignement des parties prenantes, en termes de priorité. La faiblesse de la gouvernance (équité, éthique, transparence et redevabilité sociale) engendre par ailleurs un déficit de confiance des bénéficiaires vis-à-vis du système qui laisse mal augurer la transparence et la solidité d’une remontée d’information des données épidémiologiques de la part du public

Les ménages supportent une grande partie des dépenses en santé (près de 40% de leur budget), par paiements directs avec un système de prévoyance sociale, notamment en faveur des couches vulnérables, notoirement insuffisant.

L’expérience de la lutte contre la drépanocytose à Madagascar, lutte pilotée par une ONG issue de la diaspora, illustre cruellement les difficultés d’un programme d’actions contre une pathologie donnée. Quant à cette maladie les causes de mortalité précoce au sein de la population malagasy, notamment au cœur des zones enclavées, sont majoritairement liées aux difficultés d’accès aux soins, au manque de moyens techniques, aux difficultés et errances de diagnostics et enfin, aux carences d’information et d’éducation. Reflétant les faiblesses du système de santé, les effectifs des malades atteints de cette maladie génétique seraient en expansion, alors qu’ils devraient être contrôlés par de seules mesures d’information, d’éducation et de prise en charge. Il est à l’instar imaginable que la prise en charge d’une épidémie de type COVID par ce système sanitaire risque de faire face à des difficultés liées à ces mêmes défaillances.

 

II. Mesures prises par les autorités publiques face à l'épidémie. Eléments d'informations [iii] :

source : www. la-croix.com

a. Le 17 mars, le gouvernement annonce que tous les vols internationaux et régionaux sont suspendus pendant 30 jours à partir du 20 mars.

b. À partir du 20 mars, toutes les personnes arrivées de l’étranger font l’objet d’un test auprès de l’Institut Pasteur de Madagascar. Une trentaine de cas sont comptabilisés. Tous les malades sont pris en charge par l’État à l’hôpital Manarapenitra d’Andohatapenaka à Tananarive, la capitale.

c. Décret de l’état d’urgence sanitaire le samedi 21 mars, prolongé de 15 jours le 17 avril, et mise en place de mesures de confinement à Antananarivo et Toamasina

d. Le 23 mars, les transports sont suspendus. Les familles quittent la capitale à pied pour rejoindre leurs villages d’origine.

e. Mise en place d’un centre de commandement opérationnel COVID-19 : coordination des mesures à appliquer contre la propagation du virus ; réception et répartition des équipements et matériels médicaux dons de l’OMS ; diffusion des informations officielles sur l’épidémie, retransmises sur les chaines nationales, ainsi que sur les chaînes de télévisions ;

f. Mise en place sur Tananarive et Toamasina de 2 x 70 brigades (agents de santé, forces de l’ordre et un agent psychosocial, véhicules mis à disposition) pour le suivi de santé et d’isolement de personnes confinées dans des hôtels, à domicile et dans des sites spécialisés (1.000 personnes par jour)

Les conséquences sociales des mesures de confinement se sont très vite fait sentir. Des files d’attente sont observées dans les grandes surfaces, les marchés, les stations d’essence.

Les tireurs de cyclo-pousse à Toamasina organisent des manifestations, en raison de la perte de leur activité liée aux mesures de confinement.

Toutefois, les mesures de prévention sont encore difficilement respectées dans la capitale. Pour Hélène, une lavandière, « ce coronavirus, c’est une maladie pour les vazaha [étrangers, ndlr], nous, on n’y croit pas du tout ». Tongatsara renchérit « c’est une politique mise en place par l’État, juste pour obtenir des subventions »(ouest France 23/03).

Le prix du ravintsara, du romba et du kininimpotsy, des plantes que la rumeur prétend efficaces contre le Covid-19, quadruple.

g. Arphine Rahelisoa, journaliste, qui avait critiqué la gestion de la crise par le pouvoir, est arrêtée le 4 avril, inculpée d’« incitation à la haine »envers le président et placée en détention. 

h. Face aux problèmes de liquidité et de financement, la banque centrale malagasy annonce avoir injecté près de 620 milliards d’ariary (150 millions d’euros).

i. L’aide internationale afflue. Les principaux bailleurs (UE, France, FMI, BAD, etc.) débloquent 441 millions de $ (soit 16% du budget total de l’Etat !) pour équilibrer la balance de paiements, l’achat de matériel et le soutien au système de santé.

En relation avec l’OMS, la fondation Jack Ma (AliBaba) fait des dons de matériels et de kits de dépistages : 10 respirateurs, 20 000 tests de dépistage, 4 000 combinaisons de protection individuelle, 10 000 masques, 10 000 paires de gants et 400 thermomètres … etc, après une première livraison de 100 000 masques et 200 000 kits de tests le 25 Mars.

En parallèle, la recherche sur la pharmacopée malagasy, l’Artemisia en particulier, et l’utilisation de protocoles à base d’huiles essentielles et de médications de traditionnelles déploie la plus grande activité.

III. Synthèse Epidémiologique à Madagascar au 17/04/2020 :

La « faiblesse » relative de ces chiffres en a interrogé plus d’un. Avec ce questionnement :  « Comment un pays aussi pauvre, avec autant de faiblesses du système de santé, déjà submergé par des flambées successives de maladie en cours, et autant de fragilités sociales, pouvait-il connaître aussi peu de cas confirmés, aussi peu de décès » ? A regarder les quelques 700 000 cas et les 40 000 morts d’un pays développé comme les USA, ou les 112 000 cas et 19 000 morts en France, pour ne citer que ceux-là, le constat rendait perplexe certains observateurs. 

Le continent africain est désormais touché, mais que sont les 13 000 cas et les 616 décès confirmés en Afrique au regard du million de cas confirmés en Europe ? 

Si ces chiffres sont difficilement comparables, en raison des différences en termes de critères d’établissement et de disponibilité des données, les masses interpellent. Elles interpellent d’autant plus que localement les interprétations des plus fantaisistes font cours. Depuis les prédictions d’une prophétesse brésilienne qui viennent soutenir les déclarations fracassantes d’un dirigeant qui aurait découvert le remède miracle en passant par les interprétations les plus superstitieuses et populistes (« c’est une maladie d’européens, on n’a rien à craindre »), nous ne sommes pas certains de la meilleure prise en compte de la pandémie qui risque de se développer. Et l’examen des chiffres qui analysent le nombre de cas par pays et par million d’habitants rapportés au PIB, pourrait laisser accroire que le COVID 19 est une maladie des pays occidentaux.

Nous souffrons en fait d’une forme d’aberration mentale qui nous fait croire que la situation pourrait être moins grave qu’elle ne l’est réellement. Pollués émotionnellement et intellectuellement par le matraquage médiatique qui nous assène à longueur de journées les chiffres « hallucinants » du nombre de décès d’un Occident qui ne se préoccupe pas tant du nombre de victimes de la faim dans le monde, on en oublie qu’il faut comparer des choses comparables.

LA SITUATION A VENIR SERAIT, DE FAIT, BIEN PLUS GRAVE QU’ELLE NE LE PARAIT AUJOURD’HUI

Le manque de transparence et la volonté de verrouiller l’information de la part du pouvoir malagasy ne peut que rajouter du brouillard au brouillard, et les postures de satisfaction de dirigeants qui se félicitent de la faiblesse du nombre de décès, et qui prétendent maîtriser la pandémie, ne sont pas moins aberrantes que les postures de dirigeants, scientifiques et gens de médias français qui regardaient avec condescendance la crise se développer en Chine ou en Italie.

L’exemple des errements et des retards des décisions européennes devrait alerter les dirigeants de nos pays : ils tombent dans les mêmes schémas erratiques de pensée. Cherchant à se rassurer et à nous rassurer en fuyant la réalité, en quête d’un hypothétique miracle : « On va passer à travers parce que… la météo, la génétique, les régimes alimentaires, le paludisme endémique, la jeunesse de la population, etc.». C’est éminemment dangereux.

En fait à comparer l’évolution du nombre de cas en France et à Madagascar, on a le tableau suivant qui prend en référence J0 la date d’apparition officielle du premier cas et la date de recensement des 100 premiers cas.


Le déclenchement de l’épidémie aurait débuté à Madagascar 54 jours après son déclenchement en France. Le début de confinement en France du 17 Mars a été suivi par un début de confinement partiel dans la Grande Ile seulement 6 jours après.

Il reste que malgré des mesures préventives et une connaissance « précoce » sur le sujet, le passage à la centaine de cas survient à Madagascar à J0 + 22 quand il survient à J0+33 en France dans des conditions où les mesures préventives ne relevaient encore que des préconisations de gestes barrières.

La courbe de propagation du COVID SERAIT donc plus forte qu’elle ne l’a été en France.

Le conditionnel s’impose. Cette maladie, dont le comportement nous reste très largement méconnu, pourrait - du moins on doit l’espérer – ne pas répondre aux seules données et projections statistiques. Ces projections seraient  dramatiques si elles devaient s’avérer.

Il faut souligner que du 20 mars au 17 Avril, l’Institut Pasteur aura réalisé 2 357 tests à Madagascar (analyses de prélèvements) par les tests PCR (par le nez), sur une population de 27 millions d’habitants.

IV. Initiatives de la diaspora et société civile recensée à ce jour :

Avec une diaspora malagasy à la population estimée en 2013 à quelques 166 000 individus dans le monde (120 000 en France) le montant des transferts (hors IED) vers Madagascar par sa diaspora serait de l’ordre de 427 millions de $ annuels (373 millions depuis la France). En 2014, le montant des Investissements Etrangers Directs (IED) était de 635 millions de $. La diaspora malagasy est donc un acteur essentiel en termes de développement et de solidarités. La crise COVID ne semble toutefois pas avoir éveillé une mobilisation que l’on aurait aimé plus massive. On notera toutefois les initiatives suivantes :     

Un collectif d'associations et d’ESS franco-malgaches réunies autour d'Alliances et Missions Médicales, du Relais Fianarantsoa, et d'Esperanza Joie des Enfants a lancé le 26 mars une opération "100 000 masques pour Madagascar" (production locale des masques lavables et réutilisables). Avec le soutien de la Fondation EDF, l'opération devient le 12 avril "500 000 masques pour Madagascar". La production est au 16 avril engagée à Fianarantsoa, Antsirabe, Imady, et d'autres sites s'engagent à Antananarivo, Morondava, Imito.

On constate une floraison d’initiatives de levées de fonds qui fait jour sur les plateformes de collecte (Leetchi, HelloAsso) : « Aide aux Habitants démunis d’Ambatolampy », « Covid - 19 Mada”, “Covid 19 Madagascar Medic”, “Covid 19 Masques à Madagascar (Amitie franco-malgache Fihavanana »), « Covid 19 Solidarité Madagascar », « Enfants Parrainés d’Ivato (Sol’Su) », »Hackaton Covid 19 Madagascar”, “Kits Urgence Covid 19 Madagascar”, “Les démunis de Madagasca »r, « Manakara sy Manodina », « Natcha Ramine », « Solidarité Covid19 Madagascar », « Solidev”, “Stop Covid 19 Madagascar”, “Urgence Covid19 Madagascar (Avenir Enfants Malgaches)”…

…  Et bien d’autres encore qui ne seront pas recensées ici, masquées au sein d’initiatives individuelles, tout en alertant sur la nécessité de se prémunir de probables effets d’aubaine de certains appels aux solidarités.

 

La communauté malagasy semble difficile à mobiliser sur les grandes opérations solidaires, faisant la part belle à la multiplication d’actions associatives ou personnelles. A l’exception du CEN qui organise la RNS (Rencontres Nationales Sportives), événement significatif de la Diaspora de Madagascar qui rassemble traditionnellement à Pâques, lors d’un week-end festif, jusqu’à 7 000 membres de la société malagasy  expatriée pour des rencontres inter-associations. Le contexte confinement, annulant la manifestation, les a vus transformer ces rencontres en une semaine d’événements virtuels sur Internet pour entretenir la cohésion sociale de la communauté malgré la crise.

v. Conclusion :

Faire le constat de ces fragilités n’est pas sombrer dans le catastrophisme. Mais il faut bannir toute forme de pensée magique, de la part des gouvernants, de la part de leurs administrations, et de fait de la part de leurs administrés entretenus dans un sentiment de « on passera au travers » .

Les initiatives erratiques, telles qu’un confinement inapplicable et inappliqué calqué sur les pays du nord, le manque de visibilité et de transparence sur les besoins projetés et les moyens, les équipements, les infrastructures, les ressources et les traitements nécessaires pour contenir une possible crise sanitaire, ne peuvent pas nous rassurer et ne peuvent pas nous permettre de projeter les actions et initiatives qui seraient nécessaires.

S’il nous reste quelque espoir de passer au travers d’un drame sanitaire, il est par contre certain que nous n’éviterons pas de graves difficultés économiques et sociales. La pandémie est un fait. Mais le deuxième et véritable danger qui guette nos populations, même si le premier est évité, est un écroulement économique du pays avec son lot de chômage, son lot de perturbations, entre autres, de la circulation des intrants agricoles et importés, son lot de misère et de famine  et de régressions sociales.

Nous avons plus que jamais besoin de transparence pour pouvoir lire la situation, anticiper, agir.  Et, au-delà de la préservation de la cohésion sociale, nous avons plus que jamais besoin d’affirmer nos solidarités ICI et LA-BAS.

[i] Sources : Ministère de la santé publique (Plan National de Santé)  - OMS – PNUD - Institut Pasteur

[ii] ibid

[iii] Sources : l’Express de Madagascar, Madagascar Tribune

 

Chronique rédigée par Patrick Rakotomalala, Fact'Madagascar, Fédération d'associations de la diaspora de Madagascar

Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala

Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana

 

Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s 

 


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Mohamed Mansour LY 

Président du COSIM Normandie, administrateur du FORIM, 

Enseignant- Juriste spécialiste en droit international du développement, IUT Rouen

Il  y a seulement quelques petites semaines, le FORIM s’apprêtait à démarrer les activités d’accompagnement aux OSIM, pour répondre à l’appel à projets PRA/OSIM. Ce dispositif phare du FORIM met en évidence les effets positifs de la migration sur le développement de nos pays d’origine et tout particulièrement, l’apport des migrant.e.s par la valorisation et la capitalisation de leurs pratiques. 

Mais le pire est arrivé.

Comme un couperet, à la suite de la fermeture de toutes les frontières internationales, nous apprenons avec stupeur la mise en place de mesures de restrictions drastiques pour limiter les déplacements et les rassemblements. C’est à ce moment que nous commençons à mesurer la gravité de la situation.

Pour nos organisations de solidarité internationale issues des migrations dont l’ADN est de promouvoir la mobilité et la migration sans frontières entre les états, ces nouvelles mesures viennent bousculer nos habitudes et ébranler nos certitudes.  Tous pris de court, secoués mais pas terrassés.  Aussitôt nous nous sommes ingéniés à imaginer des alternatives. Comment continuer à accompagner efficacement nos OSIMs ? Quelle mobilisation pour continuer à porter notre plaidoyer à travers nos réseaux ?

Nous le savons toutes et tous, l’histoire écrit une nouvelle page. Face à cette crise sanitaire aussi chaotique que nous impose le COVID 19, notre plateforme nationale regroupant les organisations de solidarité internationale reste fidèle à ses valeurs en continuant d’offrir l’image spécifique de personnes issues de l’immigration qui mettent en évidence les aspects positifs de notre double appartenance. Nous restons mobilisés et solidaires Ici et là-bas où le COVID 19 risque d’impacter durablement.

Dans un contexte d'emballement médiatique, beaucoup de fausses informations circulent.  Il faut remettre de l’ordre dans les idées, réembrayer sur le concret.  La crise du COVID 19 nous indique un nouvel horizon d’alternatives potentielles mais, à l’évidence, un rapport de force à construire pour changer le système en mettant l’humain et l’humanité au centre de nos préoccupations. Une des gageures de l’après COVID 19, c’est de pouvoir mener un véritable travail de réflexion de fond sur la coopération, la solidarité et le développement entre le Nord et le Sud, pour que les deux parties donnent et reçoivent réciproquement.

D’Ici là, continuons de prendre soins les un.e. s les autres.

  Restons Unis et solidaires pour accomplir notre destin.

Avec le soutien principal de l'Agence française de Développement

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