Par Mike Attah, administrateur du CAGEF et du FORIM
LES SOLDATS DE LA GUERRE CONTRE LE COVID-19 SONT PRINCIPALEMENT DES FEMMES.
Plusieurs guerres ont été menées et écrites dans l'histoire humaine de l'Antiquité en passant par l’époque médiévale et moderne.
Les caractéristiques sont toujours les mêmes : violence extrême, destruction extrême, chaos et mort. Surtout, les forces militaires étaient principalement des hommes.
Je me souviens avoir écouté des histoires d'horreur sur les champs de bataille de Wofa Yaw Asumadu et Wofa Kwame Oti, mes deux oncles maternels qui avaient combattu en Birmanie, aujourd'hui Myanmar, aux côtés des Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale.
Yaw Asumadu est décédé à l'âge de 90 ans à Koforidua, tandis que son frère est décédé à Juaso dans la région d'Asante où il s'était retiré pour rejoindre notre famille.
Sans être sarcastique, j'ai eu le privilège de vivre la guerre civile au Libéria et les premiers jours de la guerre en Sierra Leone. Les hommes ont constitué le noyau principal de ces guerres.
Les soldats de la guerre contre l'actuel Covid-19 sont principalement des femmes. Elles représentent plus de 60% des effectifs de la recherche scientifique et sanitaire dans le monde : 87% des infirmières, 91% des aides-soignants à domicile, 73% des femmes de ménage, 76% des caissières et vendeuses et 60% des jeunes médecins sont des femmes (Statistiques françaises).
Bien que les femmes n’aient pas de munitions pour combattre, ce sont leurs compétences, leurs connaissances, leur approche intuitive naturelle pour résoudre les problèmes, des méthodes pragmatiques, le souci du détail, une compréhension des personnes et de l'empathie qui expliquent les succès qu'elles remportent dans le Covid 19.
L'histoire de la guerre contre le Covid-19 sera écrite un jour. L'histoire est toujours écrite par les conquérants. Les femmes sont les conquérantes de ladite guerre.
Elles doivent raconter leurs histoires et écrire leur histoire. Ce serait une façon de leur rendre hommage.
Nous ne devons pas laisser les Donald Trumps, Xi Jinpings, Boris Johnsons, Emmanuel Macron, Bolsanaros, écrivent cette histoire.
CETTE HISTOIRE DOIT ÊTRE RÉCITÉE PAR LES CONQUÉRANTES - Les Femmes.
Nana Attah, Paris.
Le monde est confronté depuis le mois de mars (et bien avant en Chine) à un défi sanitaire de grande ampleur, jamais vu depuis plus de 100 ans. Cette pandémie appelée CoronaVirus ou CoVid 19 à forte contagiosité compromet, en raison de sa rapide diffusion, la vie économique et sociale de la planète.
L’Afrique, continent à propos duquel les Cassandre ont de manière précoce prédit le pire, en particulier celui d’une explosion sanitaire finalement jamais arrivée, doit faire face à une chute des exportations et à un ralentissement des importations qui fait craindre une paupérisation d’une population déjà fragilisée par une insécurité alimentaire chronique (qui toucherait au Sahel plus de 11 millions de personnes), par des conflits et des maladies orphelines. Ces pays, malgré les préjugés, ont actionné très tôt les leviers d’une stabilisation avec des mesures contraignantes qui ont porté des résultats… Pour le moment…
Le Niger, vaste pays enclavé d’une superficie de 1 267 000 km2 est circonscrit dans l’ensemble géographique sahélo-saharien à cheval entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne.
Le Niger compte à ce jour une population de 23 millions d’habitants, population essentiellement rurale (à plus de 80 %). Mais elle est surtout caractérisée par son extrême jeunesse due à sa croissance démographique, la plus forte au monde : selon la concordance des statistiques compilées, le Niger détient le « record mondial » avec environ 50 % de la population à moins de 15 ans (et 20 % a moins de 5 ans) ; la jeunesse de cette population se justifie par un accroissement démographique de 3,8 % sous-tendu par un indice synthétique de fécondité de 6,8 enfants par femme en 2019 []. Les prévisions tablent sur une envolée des chiffres de la population passant de 23 millions à 30 millions dans 10 ans, pour atteindre 70 millions en 2050.
Pauvreté et insécurité alimentaire
Le Niger subit depuis de longues années une irrégularité pluviométrique qui induit une disponibilité insuffisante en produits agricoles de base : la faiblesse des pluies dans le temps et dans l’espace, alliée à la dégradation de l’environnement due à l’avancée du Sahara influent sur le sort de presque 80% de la population (sur seulement 11% des terres arables) de ce secteur primaire, représentant malgré tout plus de 40% du PIB. D’ailleurs toute l’histoire du Sahel, depuis le XVIIème siècle (voire au-delà) n’est qu’une succession de sècheresses et de famines occasionnant des pertes en vies humaines et animales ainsi qu’un déplacement massif des populations vers les zones les plus clémentes : l’une des famines les plus emblématiques survenue au début des années 70 a donné lieu à un élan de solidarité internationale avec une certaine médiatisation de la situation qui dans l’inconscient collectif renvoie le Sahel à la famine et à la sècheresse.
De ce fait, la pression démographique particulièrement élevée engendrant une pression foncière et l’amenuisement des ressources naturelles est un point d’achoppement quant à l’objectif affiché de l’autosuffisance alimentaire. Au cours de l’an 2020, plus de 2 millions de personnes pourraient être affectées par une insécurité alimentaire sévère, selon le premier ministre nigérien, aux termes d’une campagne d’évaluation de la sécurité alimentaire dans la partie septentrionale : 6 des 8 régions du Niger sont marquées par la mauvaise production agricole, des inondations et une production fourragère insuffisante dans les zones pastorales.
Avec 41% de la population vivant au-dessus du seuil de pauvreté, le Niger est l’un des pays qui se débat dans les tréfonds du classement IDH des pays les plus pauvres de la planète, abonné aux dernières places. Cette situation en trompe-l’œil ne doit pas occulter les constantes démographiques dans un pays qui a fait d’énormes progrès dans la transition démographique et dans la lutte pour la réduction de la pauvreté, laquelle était de 54% en 2005. En plus, le taux de croissance de 6,4% en 2019, supporté essentiellement par le secteur rural, permet de maintenir les leviers économiques à flot malgré la réduction des retombées financières générées par le pétrole et l’uranium. Ces deux ressources minières (auxquelles il faudrait ajouter l’or, le charbon, la cassitérite, le gypse) - qui sont contrôlées, l’une, par la Chine, qui exploite en plus une raffinerie à Zinder et, l’autre, par la France (avec Orano ex-Areva) - pèsent dans la balance commerciale. Mais la baisse des cours de l’uranium nigérien (qui ravitaille près de 40% des centrales nucléaires françaises) porte un coup au programme de développement du pays.
Le spectre de la pandémie s’est tardivement mais progressivement installée au Niger comme dans tous les pays africains. Les pouvoirs publics ont vite anticipé la catastrophe tant annoncée sur le continent en prenant des mesures préventives. Le patient 0 a été rapidement identifié et pris en charge au Niger : il est présenté comme étant un passager d’un bus qui revenait de Ouagadougou le19 mars soit 9 jours après la déclaration de plusieurs cas au Burkina. Ce pays est vite devenu un foyer inquiétant de la pandémie en Afrique de l’ouest en raison de l’arrivée de ses compatriotes d’Europe et d’Asie.
⦁ Appréhensions vis-à-vis de la pandémie
Les premières semaines de la déclaration des cas en Chine et en Europe ont été attentivement suivies sur les réseaux sociaux au Niger mais accueillies avec scepticisme : les Nigériens, comme ailleurs, ont développé une incrédulité et une défiance d’une pandémie considérée déjà comme une « maladie des Blancs ». Même les premiers cas n’ont pas convaincu les Nigériens de l’acuité de cette pandémie mêlant théories du complot et nihilisme : pour beaucoup, la maladie n’existe pas, c’est un complot de l’Occident pour piller nos ressources, ou pire Bill Gates via sa fondation veut massacrer les Africains avec un vaccin ou veut s’enrichir en finançant un remède… Une flopée de fake news sont relayées par WhatsApp sur la base de sources douteuses ou non signées.A titre d’exemple, lors d’une interview le docteur vétérinaire Z. Maïga, à l’instar de certains leaders d’opinion, après avoir fait un historique du virus avec une première mutation pour donner le SRAS (sic), puis le MERS (re-sic), décrétait de manière abrupte «au-delà de 20°C, il [le virus] dégage, il est mort ! » C’est le genre de parole qui porte dans un pays qui enregistrait à l’époque des pics de température de 35-40°C.
Le facteur religieux :
L’irruption de la pandémie au Niger à partir du 19 mars, n’a pas refréné les habitudes religieuses des Nigériens en termes de participation aux prières collectives. L’imaginaire collectif du croyant veut qu’on ne peut combattre une pandémie qu’avec des invocations en groupe, malgré les mises en garde de certains imams qui se réfèrent aux textes canoniques en période de trouble ou de maladie. La fermeture des mosquées ordonnée à partir du 19 mars par le gouvernement a provoqué des manifestations de rue à Niamey, Zinder, Mirriah de la part de croyants qui voulaient la réouverture immédiate des mosquées et l’autorisation de la prière collective du vendredi. Cette situation a occasionné par contre l’indignation de beaucoup de Nigériens qui craignent la diffusion rapide du virus en raison de la non-observance des mesures-barrières.
Les premières mesures gouvernementales :
Le Niger a pris d’importantes mesures conservatoires et de prévention avant la déclaration officielle du premier cas. Ainsi, dès le 19 mars, le Président de la République a dans un premier message tant attendu à la Nation, fixé le cap avec des mesures sociales et pratiques afin de contrecarrer le développement des foyers pandémiques : fermeture de l’espace aérien, des écoles, des mosquées et d’autres lieux de rassemblement tout en rappelant les mesures-barrières et d’hygiène (voir tableau ci-après). Ces premières mesures qui seront suivies par d’autres, en raison de l’acuité de la pandémie et de l’urgence infrastructurelle, ont eu le mérite de réduire, dans un premier temps, le degré de propagation du virus avec une attention particulière portée sur le Burkina Faso voisin qui recense déjà ses premières victimes.
Fermeture des aéroports internationaux de Niamey et de Zinder pour une durée de 2 semaines, renouvelable à compter du 19 mars 2020 à minuit sauf pour les vols domestiques, cargos, sanitaires, et militaires;
Fermeture de toutes les frontières terrestres pour une durée de 2 semaines renouvelables à compter du 19 mars 2020 à minuit excepté pour le transport des marchandises ;
Concertation entre le gouvernement et les leaders religieux (Oulémas et prêtres) afin d'arrêter les mesures relatives à l'accès aux lieux de culte.
Fermeture de tous les établissements d’enseignement préscolaire, primaire, secondaire et supérieur pour une durée de 2 semaines renouvelable à compter du 20 mars 2020 à minuit; les parents sont chargés de la garde de leurs enfants.
Fermeture des bars, des boites de nuit, salles de cinéma et des lieux de spectacle à compter du 18 mars 2020 à minuit ;
Interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes. Cette mesure concerne notamment : les baptêmes, les mariages et toute autre forme de cérémonie, sur toute l’étendue du territoire. En particulier, les ateliers et séminaires sont interdits jusqu' à nouvel ordre.
Institution des mesures d’hygiène obligatoires dans les marchés, magasins, restaurants, services publics et privés ;
Respect d’une distance d’au moins un mètre entre les personnes dans les grandes surfaces, les restaurants, les entreprises, les zones aéroportuaires et les lieux publics;
Gratuité du diagnostic et de la prise en charge des éventuels cas confirmés.
Révision du plan d'urgence pour tenir compte des nouvelles exigences, et allocation d'une somme d' 1 milliard de francs CFA sur le budget national pour son financement.
Evolution de la pandémie :
En dépit de ces premières mesures énergiques censées contenir la pandémie, la courbe du coronavirus poursuit une hausse exponentielle surtout à partir du 31 mars. Au départ les infections sont dues aux facteurs et individus exogènes entrés sur le territoire fin février et début mars surtout dans les deux principaux foyers de Niamey et Zinder. Ainsi, on dénombre à la date du 25 mai 2020 :
⦁ Le « cluster » de Niamey
Le « cluster » de Niamey La capitale a été la première zone touchée par la pandémie en raison de son cosmopolitisme, son activité aéroportuaire et de sa proximité avec le Burkina, considéré comme le principal foyer de l’Afrique de l’Ouest. La non-observance des mesures et gestes barrières ont favorisé, comme ailleurs au Niger, le développement de la pandémie : attitudes tactiles, rassemblements, manque d’eau ou de savons, absence de masques ou de qualité douteuse…
⦁ Le foyer de Zinder
La deuxième ville du Niger a connu par contre plus tardivement ses premiers patients bien après Dosso, Maradi. Zinder, un des centres religieux le plus important (siège d’un sultanat) a subi ses premières infections en raison des manquements de l’observation des mesures-barrières mais surtout de sa proximité avec le Nigeria. Fin avril-début plus de 23 000 personnes (talibés, villageois) sont refoulés ou volontairement refugiés au Niger (au sud de Zinder) en provenance de la mégapole nigériane de Kano qui commençait à recenser des « morts mystérieuses ». En outre, certains croyants ont peu apprécié les mesures de fermeture des mosquées déclenchant comme à Niamey ou à Mirriah (20 km de Zinder) des manifestations de mécontentements.
Au Niger, à la date de 24 mai 2020, Niamey, avec 54 cas positifs pour 100 000 habitants, reste la région la plus touchée par la pandémie, suivie d’Agadez (5 cas pour 100 000 habitants), de Zinder (2 cas pour 100 000 habitants), de Diffa et de Dosso, qui enregistrent environ un cas pour 100 000 habitants. En revanche, les régions de Tillaberi, de Maradi et de Tahoua sont les moins touchées, avec moins d’un cas pour 100 000 habitants. Le pic de la pandémie a été atteint le 12 avril avec 69 cas positifs dans la seule journée. D’après les données recueillies par le ministère de la santé et l’INS, les proportions des décès liés au Covid-19 concernent très souvent les personnes sujettes aux maladies chroniques, la pauvreté, la sous-alimentation, la peur d’attirer l’attention sur le coronavirus que d’aucuns considèrent comme une « affection honteuse », qu’il faut absolument cacher !
En outre, il y a une disproportion des décès par sexe où 67% sont des hommes (qui sont généralement au travail à l’extérieur) tandis que les femmes, probables victimes collatérales représentent 33%.
Mais d’une manière générale, depuis le premier cas le 19 mars, on note à partir de la mi-mai, une tendance à la baisse, mais surtout un taux de guérison de plus de 82%. Par contre, en dépit de l’amélioration continue du taux de guérison à la COVID-19, la létalité liée à ce virus reste relativement élevée. En effet, à l’échelle du continent africain, le Niger avec 6,5%, fait partie des pays enregistrant les plus forts taux de létalité (proportion des décès) à la COVID-19, à la date du 24 mai 2020. C’est pourquoi les pouvoirs publics incitent la population à plus de vigilance et au respect des mesures-barrières malgré les bons chiffres du R0 (coefficient de transmission) passés de 0,60 à 0,25, ce qui témoigne de l’évolution favorable de la pandémie.
Infrastructures de prise en charge sanitaire :
Malgré la pauvreté du pays, le Niger dispose d’un système de santé certes très insuffisant mais en avance sur beaucoup d’autres pays d’Afrique. Avec un fonctionnement pyramidal, ces structures publiques assurent la couverture sanitaire du pays. A celles-ci se s’ajoutent des formations privées constituées de cliniques, dispensaires et centres de soin… plus ou moins formelles.
Mais il a fallu parer au plus pressé avec l’apparition du coronavirus, puisqu’aucune structure n’est prévue pour ce genre d’affection contagieuse dans la prise en charge des patients. L’hôpital général de référence de Niamey (HGR), a été mis à contribution pour les premiers cas avérés. En province, ce sont les hôpitaux nationaux et les centres hospitaliers régionaux qui dépistent et traitent cette pathologie.
Infrastructures de prise en charge sanitaire :
Malgré la pauvreté du pays, le Niger dispose d’un système de santé certes très insuffisant mais en avance sur beaucoup d’autres pays d’Afrique. Avec un fonctionnement pyramidal, ces structures publiques assurent la couverture sanitaire du pays. A celles-ci se s’ajoutent des formations privées constituées de cliniques, dispensaires et centres de soin… plus ou moins formelles.
Mais il a fallu parer au plus pressé avec l’apparition du coronavirus, puisqu’aucune structure n’est prévue pour ce genre d’affection contagieuse dans la prise en charge des patients. L’hôpital général de référence de Niamey (HGR), a été mis à contribution pour les premiers cas avérés. En province, ce sont les hôpitaux nationaux et les centres hospitaliers régionaux qui dépistent et traitent cette pathologie.
La Diaspora à travers son instance représentative, le Conseil des Nigériens de France (CONIF) a très tôt pris la mesure de la singularité de la situation en publiant régulièrement des notes d’information sur la situation de ses compatriotes. Une attention particulière portait sur des franges de sa population les plus précaires ou fragiles (migrants, refugiés, étudiants ou familles monoparentales). Il s’agit de prendre régulièrement des nouvelles, conseiller, orienter, rassurer les personnes en souffrance ou non. Des contacts téléphoniques, réunions en téléconférence avec les concernés sont effectués pour faire le point avec ces catégories de population, ce qui lui permet de suivre et de communiquer sur l’évolution de la pandémie.
Par manque de moyens financiers conséquents pour porter secours et assistance éventuels, le CONIF en collaboration avec toutes les associations qui lui sont affiliées, réfléchit depuis un certain temps à la mise en place d’un « « Fonds de solidarité » pour parer aux questions d’urgence qui peuvent se poser à la communauté nigérienne. La survenue de la pandémie vient donner les arguments et la pertinence de la constitution d’un tel fonds.
En tout état de cause, le CONIF continuera sa politique d’informations et de conseils (et d’assistance si les conditions le permettent) et mettra à profit après normalisation de la situation lors de ses activités (comme la Journée Culturelle, la Journée de la Femme, Conifoot –barbecue/foot, Journée de l’étudiant…) pour porter les messages de rassemblement et de sensibilisation en période exceptionnelle comme celle-ci.
D’autres associations ou ONG nigériennes de France ont pu aussi, avec le soutien du CONIF, mener des opérations de distribution des kits anti-Covid ou de distribution de vivres, surtout en cette période avril-mai coïncidant avec le mois du ramadan au Niger.
Le Niger peut, avec le train de mesures annoncées par le gouvernement et le respect relatif des règles-barrières, aborder depuis le 20 mai avec sérénité mais prudence la décrue des cas de la pandémie. A l’inquiétude suscitée par la capacité d’accueil et de prise en charge sanitaire, le Niger a réussi pour le moment, à ne pas subir de débordements. Les autorités viennent d’ailleurs d’assouplir le couvre-feu à Niamey, et les règles de réouverture des lieux de culte, des lignes de transport terrestre.
Le Niger, ce pays aux multiples défis démographiques, écologiques, alimentaires, sécuritaires est en passe sûrement de gagner aussi le énième combat contre une pandémie qui a causé des milliers de victimes dans le monde.
Chronique rédigée par : Aboubakar LALO - Vice-président du Conseil des Nigériens de France (CONIF)
Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala
Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana
Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s
Pays tropical et subtropical, avec une superficie de 331 000 km², le Vietnam s’étire sur 1650 km de long du Nord au Sud et possède 3260 km de côtes. Les 98 millions d’habitants sont regroupés essentiellement dans les plaines (delta du fleuve rouge au Nord, delta du Mekong au Sud).
Après une dizaine d’années difficiles dues aux séquelles d’une guerre dévastatrice et des mesures économiques désastreuses, le Vietnam a su, grâce à une politique de libéralisation économique et d’ouverture, sortir de la pauvreté et devenir un pays à revenus intermédiaires (PIB par habitant 3200 USD en 2018). Le sort des paysans, en particulier, s’est amélioré de façon spectaculaire. Le Vietnam est devenu en 2019 le premier exportateur mondial de riz, de noix de cajou, de poivre, le deuxième exportateur de café… Pays de tradition agricole, il s’est industrialisé ces dernières années, grâce aux investissements étrangers (surtout du Japon et de la Corée du Sud), en particulier dans la fabrication de produits électroniques, ce qui a permis à ce secteur de contribuer à hauteur de 24% du PIB du pays. Une croissance continue entre 6 et 7% par an a propulsé le Vietnam au rang d’un «petit dragon» du Sud Est asiatique.
Le système de santé du Vietnam est un système mixte, alliant le public et le privé, la médecine occidentale et la médecine traditionnelle.
Le système de soins publics au Vietnam est organisé sur quatre niveaux, calqué sur l’organisation administrative. Le réseau des établissements de santé est très dense : 99% des communes possèdent un dispensaire, destiné à apporter aux populations les soins de santé primaires et les vaccinations. Chaque district (au nombre de 527) possède également au moins un centre de santé, pour des soins plus avancés. On dénombre 419 hôpitaux de province. Au niveau national, le Ministère de la Santé gère plusieurs institutions, notamment 47 hôpitaux d’état, des instituts de recherche et des universités. La médecine traditionnelle joue un rôle essentiel dans le système de soins. Environ 30% des patients du pays y ont recours, en particulier dans les zones reculées et difficiles. En plus des 63 hôpitaux de médecine traditionnelle, 92% des hôpitaux de médecine occidentale possèdent un département ou une équipe de médecine traditionnelle.
La caractéristique de la médecine traditionnelle au Vietnam est qu’elle a su combiner de manière harmonieuse les pratiques et les médicaments traditionnels et ceux de la médecine dite « moderne ».
Des résultats louables dans la médecine de base, et de grands efforts pour que chaque Vietnamien puisse avoir une assurance maladie, ne peuvent cacher certaines insuffisances du système de santé vietnamien, en particulier le sous-équipement des hôpitaux publics et l’inégalité entre les services de santé des zones urbaines et ceux des zones rurales. En l’absence de soins spécialisés et de qualité de proximité, les malades des campagnes affluent vers les hôpitaux des grandes villes qui sont en permanence surchargés. Une autre conséquence est la multiplication dans les grandes villes d’hôpitaux privés souvent mieux équipés mais où ne peuvent aller que les gens fortunés, créant ainsi un sentiment d’injustice sociale
Le coronavirus a fait sa première apparition au Vietnam le 22 Janvier, apporté par un chinois arrivant de Wu Han. Au 12 Mai, le nombre de contaminés s’élève à 288, le nombre de guéris à 249 et le Vietnam ne déplore aucun mort.
1 : 22 Janvier : premier cas de malade du Covid 19, un chinois arrivant de Wu Han. 28 personnes ayant été en contact avec lui ont été testées, 2 sont atteints. 29 Janvier : 6 techniciens vietnamiens de retour de Wu Han ont infecté plusieurs membres de leur famille. Tous sont originaires de la commune de Son Lôi, province de Vinh Phuc. Cette commune a été mise en confinement le 12 Février. Au 13 Février, le VN compte 16 personnes atteintes, ce nombre est resté stable jusqu'au 6 Mars
2 : 30 Janvier : le Vietnam ferme ses frontières terrestres et aériennes avec la Chine
3 : 6 Mars : Deuxième phase de contaminations venant d'Europe (Vietnamiens et Européens). Le nombre des contaminés augmente rapidement. Le Vietnam déclare le stade 3 de l'épidémie
4 : 11 Mars : Arrêt de délivrance de visa pour les ressortissants des pays de l'espace Schengen. Toute personne entrant au Vietnam doit faire une déclaration de santé, et mise en quarantaine 14 jours dans des centres d'isolement
5 : 25 Mars : Fermeture des restaurants, bars, salles de karaoké, salons de coiffure…Les magasins, supermarchés et les marchés restent ouverts
6: 1er Avril : Le Vietnam décrète un confinement national (assez soft). Tous les commerces non essentiels sont fermés. Les circulations de personnes inter-provinces sont réglementées, les rassemblements sont interdits, il est seulement conseillé de ne sortir que pour les achats essentiels
7 : 1er Mai : Fin du confinement. Réouverture des écoles
8 : 5 Mai : rapatriement de 297 Vietnamiens : tous ont été immédiatement mis en isolement et testés. 17 personnes ont été testées positives.
Comment le Vietnam, qui partage 1400 km de frontières avec la Chine, dont le système de santé est fragile et les hôpitaux en permanence surchargés, a-t-il réussi cet exploit d’avoir un nombre aussi bas de contaminés et aucun décès ?
Eh bien, justement, parce que se sachant dans l’incapacité de faire face si le virus se propageait, le gouvernement vietnamien a pris les devants. Sa stratégie se résume en un mot : anticiper.
Il a déployé sur tout le territoire 3 grands axes d’actions :
A ces mesures, s’ajoutent les conseils de gestes barrière et d’hygiène envoyés régulièrement par le Ministère de la santé sur tous les smartphones (il y a 51,1 millions d’utilisateurs de smartphones au Vietnam). Et bien sûr, le port de masque obligatoire. Il est vrai que les Vietnamiens ont l’habitude de porter un masque en tissu, pour se protéger des gaz d’échappement des motos, dans un pays où on utilise majoritairement les 2 roues pour se déplacer.
Certains ont pu déplorer les atteintes à la liberté individuelle et les mesures autoritaires, mais tous les observateurs internationaux ont pu remarquer que les Vietnamiens se plient sans problème à cette discipline. Une des raisons de cette acceptation, suggère Jean-Noël Poirier, ex-ambassadeur de France au Vietnam, est qu’« elle est fondée sur un fait culturel et civilisationnel fondamental. Dans le monde confucéen, au Vietnam comme en Corée, au Japon comme dans le monde chinois (Chine, Taïwan, Hong-Kong, Singapour), la défense et les intérêts du groupe l’emportent sur le droit de l’individu » (https://www.causeur.fr/vietnam-coronavirus-confucius-jean-noel-poirier-175499)
On recense plus de 4,5 millions de personnes vivant, étudiant et travaillant hors du Vietnam, dans 110 pays et territoires. Les vagues successives de l’émigration vietnamienne suivent les vicissitudes de l’histoire contemporaine et actuellement la moitié environ des vietnamiens de l’étranger vit aux États-Unis (2,1 millions). Plus de 300 000 sont installés en France. Le gouvernement considère les « viêt kiêu » (vietnamiens d’outre-mer) comme « faisant partie intégrante du peuple vietnamien » et tient en haute considération leur apport intellectuel et économique à la mère-patrie. En 2018, les transferts des fonds de la diaspora s’élèvent à 15,9 milliards de dollars américains. Un organe dépendant directement du Ministère des Affaires étrangères, le Comité des Vietnamiens de l’étranger, a pour missions d’informer et de mobiliser les communautés vietnamiennes résidant à l’étranger. Une chaine de télévision vietnamienne VTV4, dédiée aux diasporas (l’équivalent de TV5 Monde) a une émission spéciale sur les communautés des Vietnamiens à l’étranger (Người Việt bốn phương, Vietnamiens des quatre coins du monde). Y sont montrés la vie des Vietnamiens de l’étranger, leur apport à la mère patrie, leur contribution au pays d’installation à travers en particulier le portrait de personnalités célèbres issues de l’immigration.
En cette période de Covid-19, on peut voir tous les jours sur les médias vietnamiens comment les diasporas la vivent, s’entraident, aident le pays d’origine et apportent leur soutien aux populations des pays d’immigration. Des restaurateurs offrent des repas aux personnels de santé, des boutiques sont transformées en ateliers de confection de masques pour la population locale.
Les dons d’argent et les envois de matériel médical affluent au Vietnam : au 27 avril, la contribution financière des Vietnamiens de l’étranger s’élève à 33 milliards de dongs vietnamiens, soit 1 320 000 euros.
Au Vietnam, le confinement a plongé tout un pan de la population urbaine dans une situation très difficile : marchands ambulants, travailleurs sans contrat, entrepreneurs familiaux... Pour leur venir en aide, la communauté vietnamienne de France a envoyé des dons d’urgence. L’Union Générale des Vietnamiens de France (UGVF) a pu récolter 12 000 euros, l’Association Internationale pour le Développement de l’Enseignement au Vietnam (AIDEV) a pour sa part envoyé 6 900 euros au Vietnam. Beaucoup d’associations et d’individus ont également aidé financièrement les démunis de leur village d’origine, ou apporté leur contribution directe à des organisations humanitaires au Vietnam.
Les communautés vietnamiennes ont aussi pensé à leurs compatriotes confinés, en particulier les personnes âgées, isolées, ou handicapées en France. En région parisienne, avec l’aide de fournisseurs vietnamiens et la mobilisation des étudiants, des produits asiatiques sont livrés à domicile aux personnes âgées.
PLATEFORME D’ENTRAIDE AUX VIÊT KIEU ÂGÉS EN PÉRIODE DE PANDÉMIE COVID 19
Devant la situation de propagation rapide du Covid 19 et suite aux mesures de confinement en France, l’UGVF crée une plateforme nationale d’entraide aux aînés de la communauté vietnamienne en France afin de leur apporter un soutien moral ou logistique.
A cette fin, l’UGVF appelle tous ses membres, fédérations et associations amis à se réunir afin constituer un réseau d’entraide national.
Si vous pouvez consacrer quelques minutes pour :
- Aider nos ainés à faire des courses de première nécessité (produits asiatiques, médicaments…)
- Prêter votre véhicule si vous n’êtes pas vous-même disponible
- Soutenir moralement nos aînés par téléphone, email, etc…
- Proposer une animation (concert, jeux, sport…) en ligne
- Faire un don pour soutenir la plateforme logistique
Le Vietnam, jusqu’à maintenant, n’a pas été trop affecté sur le plan social et humain, mais il est fortement tributaire du commerce mondial. Dans le contexte d’une probable récession planétaire post-pandémique, cela signifie que l'économie et le marché du travail du Vietnam seront sérieusement affectés. Saura-t-il relever les grands défis de l’après-Covid ? Saura t-il profiter de la volonté de diversification des chaines d’approvisionnement des pays européens ? Quelle que soit la capacité de résilience du Vietnam, la diaspora vietnamienne sera comme toujours à ses côtés.
Chronique rédigée par Anh Thu PHAM, membre de l’UGVF, l’union Générale des Vietnamiens de France, membre fondatrice du FORIM
Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala
Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana
Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s
Le grand témoin, le Docteur Diouf Mamadou Mansour, Médecin anesthésiste-réanimateur à Bordeaux, avec une grande expérience dans l’hôpital de Dakar et des hôpitaux régionaux du Sénégal
Propos recueillis par Khady Sakho Niang, membre du Comité de Suivi du Symposium sur les Sénégalais de l’Extérieur (CSSSE), présidente d’Africa-Europe Diaspora Development Platform (ADEPT), ancienne Présidente du FORIM
Propos retranscris par Benoit Mayaux, chargé de plaidoyer au FORIM
Bonjour je suis le docteur Diouf Mamadou Mansour, je suis anesthésiste réanimateur installé à Bordeaux. Pour ce qui est de mon cursus, j’ai été formé à l’Ecole Militaire de la Santé de Dakar particulièrement à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. J’ai servi au Sénégal dans l’armée et j’ai servi dans beaucoup d’hôpitaux universitaires notamment au CHU de Fann, à l’hôpital Aristide le Dantec, l’hôpital Général de Grand Yoff, et j’ai également servi dans de nombreux hôpitaux régionaux, pour vous dire que le système hospitalier au Sénégal ne m’est pas inconnu !
Comme on peut le voir depuis que cette maladie a éclaté en chine, et s’est propagée progressivement en Europe, aux Etats-Unis, etc. jusqu’à devenir aujourd’hui une pandémie, on voit des évolutions assez disparates, par exemple au moment où la Chine sort du déconfinement et reprend progressivement une vie normale, en Europe on voit une première tendance à une pente descendante mais attention ! les lendemains du déconfinement sont incertains. Certains redoutent une seconde vague, attendons de voir ce que cela va donner. Pendant ce temps, les Etats-Unis sont devenus l’épicentre de cette pandémie avec son lot de morts, notamment l’état de New York avec une mortalité très importante et une progression rapide, tandis qu’en Afrique après une phase de balbutiement on commence à avoir une augmentation assez inquiétante du nombre de cas. Voilà la situation actuelle. En ce qui concerne les stratégie mises en places, elles varient d’un pays à l’autre. Sur le plan thérapeutique, nous n’avons pas de traitement curatif qui fasse l’unanimité. Les travaux sont en cours et les molécules testées, les protocoles en cours d’évaluation. Nous verrons les résultats dans quelques temps.
Oui, donc je suis effectivement impliqué dans la prise en charge de cette maladie ici en France, dans sa face la plus hideuse, les formes graves que l’on voit en réanimation parce que j’y travaille, mais je suis de très près ce qui se passe au Sénégal en m’impliquant dans le cadre de la sensibilisation. Est-il facile de porter ces casquettes ? Oui, on ne peut pas rester indifférent à ce qui se passe au pays. On participe par le biais de contributions, soit des publications sur les réseaux sociaux, par le biais de vidéos de sensibilisation, parce que ce que nous vivions ici, nous ne souhaitons pas que nos pays démunis en terme d’infrastructure sanitaire, en terme de plateau technique médical, puissent être confrontés à cette situation, qui serait catastrophique.
Ceux qui me suivent me voient sur tous les fronts. Les combats de la sensibilisation, pour l’information et la communication, expliquer l’importance des mesures barrières, comment porter les masques, les enlever, etc. Sur le plan de certaines décisions qui ne semblent pas opportunes, la mesure d’interdiction des rapatriements des corps, je suis particulièrement impliqué dans ce combat contre l’injustice et l’arbitraire, contre ce qui risque de saper l’unité nationale. Toute cette énergie je la puise du patriotisme
Concernant l’appréciation globale, je pense que tout le monde peut se faire son idée. Initialement, ceux qui avait qualifié à tort de grippe banale se sont rendus compte que le virus a des qualités importantes, caractérisées par une contagiosité forte, une forte mortalité au niveaux des groupes vulnérables, des personnes âgées ou avec des pathologies chroniques, qui ont des déficits d’immunités, mais on voit des sujets jeunes maintenant aussi victimes de cette maladie. Tous les jours on en apprend davantage, le virus n’a pas encore livré tous ses secrets. Je pense que cela nous oblige à un apprentissage, à nous préparer, ces maladies transmissibles émergentes sont la conséquence de la dégradation de l’environnement, on va faire face à l’avenir à ces types de maladies. Par analogie à la course à l’armement nucléaire, aujourd’hui c’est la course à l’armement médical. Il faut relever les plateaux techniques des hôpitaux. Les pays qui ont été submergés par la vague ont été pris de cours et se sont rendus comptes des limites de leur plateau et sont en train de se rééquiper. C’est dommage que l’Afrique ne soit pas dans cette perspective.
Les prévisions de l’OMS par rapport à l’hécatombe en Afrique sont basées sur des faits concrets, quand on voit la pauvreté du plateau technique médicale en Afrique, et les comportements irresponsables des populations, tous les ingrédients sont réunis pour une propagation de l’épidémie. On a raison de se faire du souci ! Là où l’Afrique peut avoir un avantage, c’est qu’elle a vu venir pour mettre des stratégies en place, et apprendre des erreurs des autres. On sent une certaine négligence de la maladie, de son potentiel, qui risque de nous prendre de court.
Vous avez certainement remarqué les polémiques sur les protocoles du Dr Raoult. Le monde médical a édicté des règles pour les protocoles, elles sont universellement reconnues mais n’ont pas été appliquées à la lettre par le Dr Raoult. Pour le médicament de nos frères malgaches, ça mérite d’être exploré. Mais ce ne sont pas des recettes à prendre avec un chèque en blanc ! il faut évaluer son efficacité mais également son innocuité, il ne faut pas que ça génère des effets indésirables.
Déjà, que les professionnels se protègent ! le personnel de santé est le plus exposé. Je reçois des informations qui montrent que le matériel adéquat n’est pas toujours disponible, cela fait froid dans le dos. Il faut exiger une protection optimale (masques, lunettes, etc.). Pour ce qui est des stratégies par les autorités, il faut tenir compte des suggestions et des avis de ceux qui vivent l’épidémie (Europe, Etats-Unis), et retenir les leçons pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Nous regardons ce qui a été mis en place au niveau du Sénégal, et nous avons fait des propositions. Par exemple, hospitaliser tous les patients, symptomatiques ou asymptomatiques, qui a été la stratégie au début, nous l’avons critiqué. Les capacités du système hospitalier sénégalais sont limitées et hospitaliser tout le monde n’est pas une bonne option et certains peuvent rester chez eux. Les autorités sont revenues dessus après 2 mois.
La prise en charge dans les hôtels des « cas contacts » ne nous parait pas judicieux. Cet argent devrait servir à équiper les hôpitaux en priorité. Les milliards annoncés dans le cadre de la force COVID 19 doivent être utilisés dans les hôpitaux. Nous sommes face à une crise sanitaire avant d’être une crise économique
C’est une mesure discriminatoire, illégale, et qui n’est pas justifiée, sans fondement médical et scientifique. Les autorités consulaires affirment avoir pris cette décision sur la base de recommandations de l’OMS et des spécialistes, nous avons dit que l’OMS n’a jamais dit ça. Le 24 mars, l’OMS a assouplit ses recommandations sur la prise en charge des victimes du COVID 19, et encourage au contraire le respect des croyances et des coutumes en matière funéraire. Par ailleurs, aucun document n’a été produit pour justifier cette mesure. La diaspora a formé un « collectif de rapatriement des corps » avec un pôle juridique, et un pôle médical. Après avoir interpellé en vain les autorités, le pôle juridique a saisi la cour suprême du Sénégal, qui a rendu une décision d’irrecevabilité, en invoquant une « controverse ». Nous espérons que les autorités reviennent à de meilleurs sentiments. La diaspora est déchirée par cette mesure, qui sape le moral et l’unité nationale. Je souhaite que ce problème puisse trouver une issue heureuse pour notre cohésion et que la diaspora ne se sente pas marginalisée et stigmatisée. La nation sénégalaise est une et indivisible[1].
[1] Depuis, le gouvernement sénégalais a autorisé le rapatriement des corps.
L’épidémie au COVID-19 draine dans ses sillons une vague de polémiques sur les intentions avérées ou supposées d’une destruction programmée de l’Afrique... Vrai ou faux ? Toujours est-il que le doute prépare à la vigilance et à l'alerte. Oui, malgré les prédictions de scénario catastrophe, force est de constater que l’Afrique s’en sort globalement mieux malgré des moyens très limités. Elle est en train de démontrer à la face du monde qu’elle peut prendre son destin en main et ne compter que sur elle-même avant tout.
Réveil d’un continent trop longtemps ankylosé dans la dépendance de relations ombilicales à intérêt unilatéral avec l’occident. L’histoire et la gestion de la crise pandémique renseignent sur sa capacité de résilience extraordinaire et son génie créateur. Innovation de solutions endogènes testées et reconnues.
Et le Sénégal fort d’une expérience antérieure de gestion, avec succès, de situations épidémiologiques a pris une longueur d’avance pour pouvoir faire face malgré la précocité de la présence des premiers cas sur son territoire.
Le Sénégal se situe à l'avancée la plus occidentale du continent africain dans l'Océan Atlantique, au confluent de l'Europe, de l'Afrique et des Amériques, et à un carrefour de grandes routes maritimes et aériennes. Un pays profondément ancré dans la diversité de ses cultures et traditions, mais généreusement ouvert au reste du monde. Le Sénégal renvoie aussi à des légendes telles que : Cheikh Anta Diop, Cheikh Ahmadou Bamba, Aline Sitoe Diatta, Djeubatt Mbodj et bien d’autres icones gardés jalousement dans les replis de l’histoire des résistances africaines. On ne peut évoquer le Sénégal sans faire une petite incursion au trio des chantres de la Négritude que sont Aimé Césaire (Martinique), Léon Gontran Damas (Guyane), Léopold Sédar Senghor (Sénégal). Ce dernier, premier président du Sénégal indépendant en 1960, poète, grammairien, fut aussi le premier Africain à siéger à l’Académie Française.
Dakar (550 km2), la capitale, est une presqu’île située à l’extrême Ouest.La ville de Dakar (en wolof : Ndakaaru) est la capitale de la République du Sénégal et de la région de Dakar. Elle compte 1 056 0091 habitants sur les 3 630 000 habitants (estimation 20182) que compte l'ensemble de la région de Dakar.
C'est une des quatre communes historiques du Sénégal et l'ancienne capitale de l'Afrique-Occidentale française (AOF). N'occupant que 0,28 % du territoire national, la région de Dakar regroupe sur 550 km2, 25 % de la population et concentre 80 % des activités économiques du pays3. (Source Wikipédia)
Population (Projections 2020)
16 705 608
Population totale des femmes
8 391 358
Population totale des hommes
8 314 250
Superficie (km2)
196 712
Densité (Nbre d’hbts/km2) en 2020
85
Capitale
Dakar
Croissance économique
PIB Annuel : 6,4% (2018 - )
Production industrielle : -0,9% (Fév - 2020)
PIB Trimestriel : -0,5% (T4 - 2019)
Prix à la consommation
Taux d'inflation (2019) : +1,0%
Echanges extérieurs -Exportation : -42,8% (Fév - 2020)
Importation : -41,2% (Fé - 2020)
Prix à l'export : -0,5% (Fév - 2020)
Prix à l'import : -4,1% (Fé - 2020)
Population
Age moyen de la population : 19
Etat matrimonial et nuptialité
Taux synthétique de fécondité : 4,93
Age moyen de procréation : 30,1
Proportion de célibataires (2013): 43%
Proportion de polygames (2013): 35,2%
Fécondité
- Taux brut de natalité (‰) : 36,5‰
- Taux global de fécondité (%) : 152‰
Mortalité
- Taux brut de mortalité (‰) : 6,8‰
- Espérance de vie à la naissance : 67,4 ans
Source : http://www.sante.gouv.sn/politique-de-sante/pyramide-de-sant%C3%A9
Le 1er cas (patient zéro – cas importé) est déclaré au Sénégal le 2 mars 2020. Le 11 mars, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qualifiait de « pandémie » l’épidémie de coronavirus Covid-19 qui sévissait partout dans le monde.
Les réponses gouvernementales
Dès le 23 mars 2020, l’état d’urgence est déclaré au Sénégal accompagné de couvre-feu de 20h à 6h et fermeture des frontières terrestres pour une durée de 21 jours dans un premier temps. S’en est suivie la suspension des vols internationaux vers et depuis le Sénégal jusqu’au 31 mai 2020. Un constat qui malheureusement fera des étrangers et des Sénégalais(e)s de l’extérieur des parias avec une stigmatisation cruelle qui hante encore les imaginaires. D’enfants prodiges, ces braves émigré(e)s sont devenu(e)s des pestiféré(e)s à la limite relégué(e)s au sort réservé au pangolin.
Le Fonds Force COVID-19 doté du montant initial de 1000 Milliards de FCFA a été dégagé par l’Etat du Sénégal pour venir en aide aux populations en difficulté et en support aux structures sanitaires, aux personnels soignants. Le fonds continue à être abondé par les bonnes volontés tous secteurs confondus. Des téléthons COVID sont organisés sur toutes les chaines de télévision pour participer à l’effort de guerre. Cette somme, aussi colossale qu’elle paraisse, correspond à peu près au montant transféré annuellement par la Diaspora Sénégalaise au pays.
Rappelons que La Diaspora Sénégalaise contribue pour plus de 1000 milliards de francs CFA (près de 1,5 milliard d’euros) par an à l’économie nationale, soit près du tiers du budget de l’État pour 2018. Selon la direction des Sénégalais de l’extérieur, qui dépend du Ministère des Affaires Etrangères, les sénégalais résidant à l’étranger n’ont jamais fait l’objet de recensement. Cependant, les immatriculations consulaires et les recensements généraux de la population permettent de faire des projections comprises entre 2,5 et 3 millions de Sénégalais établis à travers le monde.,
Une enveloppe de 12,5 Milliards de FCFA a été affectée à la Diaspora Sénégalaise pour faire face aux effets collatéraux de la pandémie et notamment à la situation économique catastrophique (chômage, perte d’emploi ou d’opportunité, maladie, décès, etc…). Les Sénégalais vivant à l’extérieur du pays vont donc bénéficier de 12,5 milliards FCFA dans le cadre la gestion des effets du coronavirus. L’annonce a été faite le jeudi 9 avril 2020 par le Ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, lors du point de presse quotidien du gouvernement sénégalais sur le Covid-19.
La capacité d’innovation de l’Afrique est énorme et face à l’épreuve inédite, les talents se libèrent et les ripostes s’organisent. Le Sénégal n’échappe pas à ce phénomène de la culture de la débrouille où l’ingéniosité prend le pas sur les moyens et offre ainsi un fort potentiel exploitable à l’échelle nationale, régionale et mondiale. Ce génie doit être boosté et accompagné pour en tirer tous les avantages au profit du progrès universel.
Dans son article du 13 avril, paru dans le Monde[1], Théa Ollivier, soulignait la grande capacité de résilience et riposte des populations face aux multiples défis. « Le Sénégal offre une histoire et une tradition remarquables en recherche et développement, en éducation et en riposte aux épidémies. L’Institut Pasteur de Dakar produit déjà un vaccin contre la fièvre jaune. Il est même l’un des quatre fabricants mondiaux avec pré qualification par l’OMS. Preuve que le lieu dispose d’un ensemble de compétences uniques qui s’étendent de la recherche à la production ».
[1] L’article complet pourrait être consulté ici : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/04/13/dakar-va-produire-des-tests-rapides-de-depistage-du-coronavirus-a-moins-d-un-euro_6036469_3212.html
TEST à moins de 1 euros
Dans le même article, le professeur Sall de l’institut Pasteur de Dakar de revendiquer la chance historique de l’Afrique en ces termes : « la capacité d’innovation est énorme en Afrique » et il est primordial « d’augmenter la production locale sur le continent », revendique le professeur Sall, fier de contribuer au niveau mondial à la lutte contre cette pandémie. « Nous produisons en fonction de la demande pour éviter les pertes, localement au Sénégal avec une main-d’œuvre moins chère et une proximité des lieux …».
Ces tests du Covid-19 devront coûter moins d’un euro, soit « 5 à 20 fois moins chers que les tests moléculaires actuels », estime M. Diagne.
Une autre initiative révolutionnaire en cours pourrait être une innovation majeure au profit de l’Afrique et du reste du monde : Quatre enseignants-chercheurs Sénégalais fabriquent un respirateur artificiel
Quatre enseignants-chercheurs du Sénégal travaillent sur la mobilisation de leurs expertises et savoir-faire pour trouver des alternatives aux manques criants de moyens permettant faire face aux cas critiques du COVID. Ces enseignants-chercheurs qui servent à l’Ecole Polytechnique de Thiès ont créé un prototype de respirateur artificiel qui pourrait aider le Sénégal à éviter le pire en cas de multiplication de cas sérieux de Covid-19.
Cas des 13 Sénégalais bloqués à Wuhan
Déjà dès le 05 février, RFI titrait dans un reportage[1] : « Polémique au Sénégal sur le non rapatriement des étudiants confinés à Wuhan »
Le Sénégal a donc été très tôt confronté à l’épidémie du Coronavirus, qu’il a vécu par procuration bien avant son premier cas déclaré, importé de France (patient zéro), puis d’Angleterre et d’Italie. D’où la hantise des populations de tout ce qui vient d’Europe.
En effet dès le début du mois de février, 13 étudiants(e)s vivant en chine et plus précisément à Wuhan lançaient l’alerte et demandaient par l’intermédiaire de leur famille à être rapatriés au Sénégal. Beaucoup d’encre et de salive ont coulé pour laisser place à des positionnements politiques et des critiques acerbes envers les autorités qui après tergiversation avaient finalement pris la décision de non rapatriement des 13 étudiant(e)s contrairement à la France et beaucoup d’autres pays Européens. Cette mesure s’est avérée par la suite être une sage décision. En effet tous les pays qui avaient cédé à la panique en affrétant des vols pour rapatrier leurs ressortissant(e)s, même avec des mesures de quarantaines systématiques ont connu des vagues incontrôlées de cas sous les formes les plus graves.
Des mesures préventives ont été prises à temps pour certains et pour d’autres, la fermeture des frontières a mis du temps à être effective. Ce qui a engendré une vague de cas importés au nombre desquels des Sénégalais de l’extérieur.
Toujours est-il que toutes ces décisions prises ont eu des dégâts collatéraux sur certaines catégories de populations. Les migrant(e)s n’y ont pas échappé. Certains sont bloqués dans les frontières du Maroc, de la Lybie, de l’Algérie dans des conditions extrêmement difficiles et ne pouvant faire demi-tour pour rentrer au Sénégal.
[1] Lire le reportage : http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200204-senegal-polemique-non-rapatriement-etudiants-wuhan-chine-coronavirus
Face à la pandémie du Covid-19, plusieurs initiatives viennent renforcer les dynamiques de solidarité, dans les deux espaces. Les membres de la diaspora sénégalaise en France s’illustrent dans les aides d’urgence de proximité dans les quartiers et les foyers, mais aussi en faveur des familles au Sénégal.
On peut citer ici l'action citoyenne de la boutique "Barkatou" dans le 18ème arrondissement de Paris, qui a confectionné des masques en tissu pour les offrir aux habitants du quartier.
C'est également le cas de la boutique "Nassa Retoucherie", à Goussainville (95) qui a réalisé 500 masques qui ont été remis à la mairie.
100 masques pour Petit Quevilly et Blouses Blanches pour le CHU de Rouen
Solidarité Financières
En lien avec les communautés d’origine, on note la montée en puissance du cash-to-good avec livraison à domicile de courses achetées et payées en ligne par les Sénégalais de l’Extérieur, pour éviter à leurs proches les risques de contagion dans les marchés. De plus, la difficulté des circuits informels de transfert d’argent incite à renforcer les solutions de transfert en ligne (mobile Banking et autres), qui pourraient devenir des alternatives durables.
Interview et chronique réalisées par Khady Sakho Niang, membre du Comité de Suivi du Symposium sur les Sénégalais de l’Extérieur (CSSSE), présidente d’Africa-Europe Diaspora Development Platform (ADEPT), ancienne Présidente du FORIM
Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala
Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana
Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s
Hamedy Diarra est un important militant associatif de la diaspora malienne en France depuis 1976 où il a commencé son engagement dans les mouvements de lutte pour la libération de Nelson Mandela et contre l’apartheid. Un militant infatigable de toutes les luttes des migrants des années 70 et 80, qui ont notamment abouti en 1981 à l’obtention du droit de création des associations par les migrants. Il est aussi un responsable associatif de haut niveau au Haut Conseil des Maliens de France (HCMF) et au FORIM.
Hamedy Diarra s’est aussi engagé dans de très nombreuses études-actions et formations portant sur la migration, sur le rôle des migrants dans le développement de leur pays d’origine auprès de nombreux organismes en France.
Il a également mené de nombreuses interventions dans des colloques, séminaires et stages sur l'immigration en France et en Europe, a organisé des rencontres entre acteurs sociaux, institutions et collectivités locales.
Il a publié des articles dans les journaux et revues en Europe comme Hommes & Migrations, La Croix, Techniques Financières & Développement, Demain le Monde, Antipodes. Enfin, Hamedy Diarra fait partie de l’équipe de recherche du G.R.E.M (Groupe de Recherche et d’Etude sur Migrations et Transformations Sociales).
Le Mali, a une superficie de 1 241 238 km² pour une population de 19,5 millions d’habitants (2018), qui se répartissent entre 42% d’urbains et 58% de ruraux (2018). Cette population a une espérance de vie à la naissance de 65,7 ans pour les hommes et 68,2 ans pour les femmes (2016), et un taux de fécondité de 6,06 (2016). Le taux d’alphabétisation des 15 ans et plus est de 45% pour les hommes et 22% pour les femmes (2015)
Une prise de conscience tardive
Au Mali, la population s’est vraiment sentie concernée par la pandémie de coronavirus quand on a appris que trois cas de Maliens étaient déclarés, à la mi-mars. Il s’agissait de Maliens rentrés de France. La population au Mali a pu mettre un nom sur des personnes, ce qui a provoqué une prise de conscience collective.
Les derniers chiffres connus au 26 avril 2020 sont 389 cas confirmés, 112 cas soignés et 23 décédés.
Les mesures prises par les autorités
Le président de la République du Mali Ibrahim Boubacar Keïta a décrété l'état d'urgence, instauré un couvre-feu de 21h à 5h du matin, décidé de fermer les lieux publics et de recommander les « gestes barrières ». Mais pas de confiner la population. Il y a eu un débat car le second tour des élections législatives s’est quand même tenu le 19 avril.
Les chefs religieux, se sont mobilisés pour soutenir ces mesures, notamment de fermeture des lieux publics dont les mosquées. Ainsi, le président du Haut Conseil Islamique du Mali a produit une vidéo expliquant d’une façon pédagogique qu’il faut se protéger et protéger les autres, en puisant dans les références historiques de l’Islam.
Cependant, les gens ont du mal à suivre les attitudes barrières qui imposent de rompre avec les gestes de salutation qui s’effectuent dans la proximité.
La situation de blocage des transports et d’interdiction de rassemblement pénalise durement les personnes qui vivent au jour le jour dans des activités informelles. Les autorités ont pris des mesures de soutien aux personnes démunies comme la prise en charge des factures d’électricité et d’eau, et la distribution de denrées notamment en riz et en lait. Les coupures d’eau et d’électricité, récurrentes, compliquent fortement la situation des personnes vulnérables. Comment se laver les mains si on n’a pas d’eau ?
Des importations massives de céréales ont été effectuées pour assurer la sécurité alimentaire au niveau national. Cependant, au niveau des personnes, la distribution vers les familles nécessiteuses reste problématique.
Mais la solidarité de proximité, au sein des familles, reste forte et permet de dominer ces situations difficiles.
Ainsi, les initiatives de fabrication des masques en tissu se multiplient, notamment par les artisans couturiers, en suivant un modèle homologué fourni par l’Etat.
Un vrai risque, la situation alimentaire
Il y a bien sûr la pandémie qui complique la vie quotidienne de toute la population, mais il y a une autre menace, peut être plus sérieuse. Cette année, les cultures sont affectées par un manque de pluie, notamment dans la région Ouest (Kayes), et la situation risque de devenir sérieuse sur le plan alimentaire dans un ou deux mois. On a ainsi un cumul de difficultés liées à l’insécurité, aux raisons climatiques, qui s’ajoutent aux difficultés sanitaires qui proviennent de la pandémie.
Inquiétude au Mali pour les parents émigrés
Au Mali, les gens sont plus inquiets pour leurs parents vivant en France, compte tenu de l’importance des contaminations et des décès qui y surviennent.
En France, la communauté malienne a été durement touchée. A ce jour, près de 40 personnes sont décédées. Ces décès posent un grave problème de transfert des corps. Les vols entre la France et le Mali sont suspendus actuellement. En conséquence, les corps des personnes décédées sont placées dans des morgues saturées, en attente en attente de lieux d’inhumation dans un cimetière en France.
Une partie importante de la communauté est au travail en France dans les métiers essentiels, notamment dans le gardiennage, mais aussi dans des secteurs qui ne permettent pas de pratiquer le télétravail.
Le jeûne du mois de Ramadan se passe bien, mais on ne peut pas aller à la prière collective à la mosquée. Les gens prient chez eux.
La solidarité au sein de la communauté malienne en France reste très forte. Elle est « naturelle », on en parle peu, mais elle est présente et assure une sécurité certaine aux familles. Les actions de soutien se font entre personnes qui se connaissent directement.
Des transferts d’argent difficiles vers les familles au Mali
Il y a un vrai problème pour transférer l’argent vers les familles au pays. Avant le confinement, les transferts d’argent s’effectuaient directement par l’intermédiaire de personnes connues dans la communauté.
Maintenant, il faut passer par des agences, et il faut chercher des agences ouvertes, elles sont bien rares. On en trouve cependant quelques-unes dans des épiceries tenues par des maghrébins, indiens ou pakistanais, et elles permettent d’assurer un transfert seulement vers les grandes villes du Mali, le jour même, mais reste très limités. Les familles manquent le soutien financier habituel, surtout en période de Ramadan.
Interview recueillie par Jacques Ould Aoudia, le 28 avril 2020
Chronique rédigée de Hamedy Diarra par Jacques Ould Aoudia, vice-président de Migrations & Développement
Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala
Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana
Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s
Alors que le monde semble en suspens depuis l’annonce du confinement, le tragique impact laissé par le Covid-19 a de forts impacts sur la solidarité internationale et ses activités. En effet, À cause de la pandémie de coronavirus, les travailleurs migrants pourraient envoyer moins d'argent dans leur pays d'origine, soit 20% de moins selon la Banque Mondiale. Frontières fermées et mobilité limitée, les Organisations de Solidarité Internationale issues de l’Immigration (OSIM) sont partagées entre le respect du confinement pour préserver la santé de tous et développer des actions et mobiliser leurs réseaux au service de leur pays d’origine.
L’appel à projets PRA/OSIM 2020 ayant été lancé le 16 mars 2020, plusieurs questionnements en sont ressortis sur comment bien assurer son déroulement. Le FORIM a donc constitué un groupe de travail spécial covid-19 afin d’apporter différents appuis aux initiatives de solidarité faites par ses membres, dont l’organisation des Opérateurs d’Appui Labellisés (OPAP), acteurs cruciaux du dispositif du PRA/OSIM via l’accompagnement appuyé offert aux OSIM pour répondre à l’appel à projets. Ibrahima Diabakate et Moussa Drame, chargés d'appui du RAME (Réseau des Associations Mauritanienne d’Europe), Opérateur d'Appui Labellisé PRA/OSIM cette année, ont voulu faire part de leur retour d’expérience sur leur méthode d’organisation en période de confinement.
1. Quelle a été la réaction du RAME quand l'appel à projets a été lancé ?
Nous avons totalement compris que l’appel à projets PRA/OSIM devait se poursuivre et nous avons vite essayé de trouver des solutions. Nous avons rapidement contacté notre trésorier afin d’acheter une licence ZOOM, suite à son utilisation fréquente au FORIM, et pouvoir organiser nos réunions grâce à cet outil.
2.Est-ce qu’il a été simple de mobiliser votre réseau d'OSIM et les réunir sur ZOOM ?
Oui et je tiens à remercier l’équipe technique du FORIM grâce à son partage d’expérience qui nous a conforté dans notre choix, notamment grâce à la mise à disposition d’une formation à l’outil version organisateur et utilisateur. Pour nous, ça représente une opportunité de sensibiliser les OSIM à utiliser des outils en ligne qui devait arriver tôt ou tard et nous pensons qu’elles aussi sont motivées à s’adapter pour leur permettre d’être accompagnées dans les meilleures conditions possibles.
La mobilisation des OSIM s’est faite de manière assez simple, plusieurs OSIM nous contactent pendant l’année et nous faisons en sorte de garder contact et de les notifier dès que l’appel à projets est lancé. On les encourage d’ailleurs à commencer à se familiariser avec le dossier de candidature de l’année précédente et le remplir progressivement. Il y aussi ceux qui ont été accompagné l’année dernière mais dont le dossier n’a pas été déposé soit par manque de temps ou manque de réflexion sur leur dossier.
Nous nous sommes assurés de bien expliquer aux OSIM qu’au vu des circonstances actuelles, nous devions nous adapter pour faire en sorte de leur fournir un accompagnement de qualité, nous avons essayé de simplifier au maximum le processus d’accompagnement en ligne pour ne décourager aucun porteur de projet peu importe son expérience.
3. Quelles sont les principales difficultés en tant qu'OPAP en période de confinement ?
Nous avons identifié 3 types de difficultés pour l’instant. La première est liée au matériel, il y a des OSIM qui n’ont pas forcément d’ordinateur pour se connecter et le font via leur téléphone, ce qui peut faire l’affaire pendant les réunions d’information. Mais quand il s’agit d’ateliers d’écriture cela est plus compliqué car nous projetons essentiellement et avons recours au partage d’écran.
La deuxième est liée à l’environnement au sein des foyers de chacun. Beaucoup sont des parents avec des enfants, ou n’ont simplement pas l’espace adéquat pour pouvoir se concentrer dans les bonnes conditions. Et la troisième, et celle qui nous inquiète le plus, est liée aux compétences techniques des porteurs de projet qui ne sont malheureusement pas encore autonome quant au montage de leur dossier. Ce public représente au moins 60% des OSIM qui font appel à nous et sont généralement des associations villageoises. Et quand on n’a pas d’expérience en montage de projet c’est souvent compliqué la première fois. Jusqu’à maintenant, nous arrivons à nous organiser mais à voir sur le long terme. Nous pensons nous orienter vers un accompagnement personnalisé.
4. Combien d'ateliers d'écriture/réunions d'information ont été organisé jusqu'à maintenant ? Est-ce que ça s'est bien passé ?
Pour l’instant nous avons organisé deux réunions : une réunion d’information pour expliquer l’appel à projets PRA/OSIM, nous avions réussi à réunir 40 personnes sur ZOOM pendant la 1ère réunion d’information, avec en plus une partie de l’équipe technique du FORIM que nous remercions pour leur présence.
Nous avons mis en place un drive et avons invité toutes les OSIM à créer un espace afin d’y transférer leurs dossiers, ça permet déjà d’avoir un espace collaboratif et faire le point sur combien de projets sont éligibles, combien ont besoin d’accompagnements et leur état d’avancement. Nous avons ensuite organisé une deuxième réunion pour faire un état des lieux approfondi car beaucoup assistent au début en ayant simplement une idée mais ne vont pas jusqu’au bout. Nous en sommes à 12 projets qui nous ont été envoyé jusqu’à maintenant.
Nous avons aussi fait une réunion d’équipe au sein du RAME pour se répartir les OSIM en groupe sur 4 chargés d’appui afin de pouvoir fournir un accompagnement personnalisé.
5. Est ce que vous pensez que ce confinement aura un impact sur la qualité et l'éligibilité des projets déposés ?
Nous pensons qu’effectivement il y aura des impacts, notamment sur le nombre de projets éligibles déposés. Avec le confinement, peut-être que notre capacité d’accompagnement va être limitée.
Autre impact aussi sur les porteurs de projet qui n’ont pas l’expérience et les compétences techniques qui sont souvent des associations peu structurées et ça nous tient vraiment à cœur de les accompagner et d’avoir au moins une association de ce type qui dépose son projet mais malheureusement cela risque d’être très compliqué avec le confinement.
Nous pensons même qu’elles ne prendront même pas la peine de solliciter un accompagnement car le numérique représente un grand frein. Les associations éloignées ou qui n’ont pas forcément des personnes de leur entourage pour les aider seront surement malgré elles mises de côté.
Toutefois pour rester positif, cette situation peut très bien présenter une bonne opportunité pour faire accepter le changement numérique qui est en cours au PRA/OSIM via son chantier de dématérialisation. Tous les changements sont difficiles à accepter mais le numérique représente l’avenir et reste un excellent moyen de réunir toute OSIM venant du nord ou du sud – à noter même qu’on a déjà eu des associations locales du sud et partenaires de nos OSIM qui ont pu participer à nos réunions grâce à cela et bénéficier aussi de notre accompagnement.
Vous pouvez visionner différents ateliers d'écriture et réunions d'information donnés par le RAME (Réseau d'Associations Mauritaniennes d'Europe) avec différents témoignages sur leur méthodologie d'accompagnement des OSIM en tant qu'Opérateur d'Appui
Le pays, à cheval sur l’équateur, s’étend sur 1 500 km du nord au sud et 425 km d'est en ouest. Une population 5, 3 millions d’habitants répartie sur une superficie de 341 821 km2 parcourue par de nombreux cours d’eau dont 2 grands : le fleuve Congo, arrose la zone nord forestière marécageuse et poissonneuse riche de plusieurs affluents (tracés bleus sur la carte) ; 2è plus grand fleuve du monde en débit (80 832 m3/s) après l’Amazone, et le Kouilou-Niari qui arrose la zone sud constituée de savanes aux terres fertiles et agricoles.
La population et les infrastructures de transport : le Congo Brazzaville est classé 176° en indice de développement humain (IDH= 0,60 en 2016). Les taux d’alphabétisation en Français sont de 80,9 % (2015). Les taux de natalité et de mortalité sont respectivement de 35.10 et 9,7 pour 1000. L’espérance de vie est de 64,30 ans (2016). L’UNICEF estime qu’au moins 26 % des enfants de moins de 5 ans sont victimes de malnutrition chronique, 14 % d’insuffisance pondérale et 7% de maigreur.
La population est jeune, et plutôt concentrée dans les villes. Brazzaville la capitale administrative compte 1,8 millions d’habitants (2017) et Pointe-Noire la capitale économique, ville portuaire et pétrolière est de 1,16 millions d’habitants. Les fonctionnaires retraités sont à plus de 18 mois de retard de pension, et les employés des collectivités locales de l’intérieur du pays sont à plus de 30 mois de retard de salaires.
Les infrastructures routières sont constituées de deux grands axes routiers : la route nationale 1 (RN1 ou route du sud), longue de 520 km environ, relie Brazzaville à Pointe-Noire ; elle a été bitumée de 2008 à 2016. La route nationale 2 (RN2 ou route du nord) longue de 850 km relie Brazzaville à Ouesso (bitumée de 1976 à 1985).
Le chemin de fer est constitué de deux axes : Brazzaville – Pointe Noire en passant par Dolisie (512 km, construit de 1921 à 1934), et un embranchement qui relie Dolisie à MBinda à la frontière avec le Gabon (285 km, construit de 1959 à 1962) permettait d’évacuer le manganèse et le bois du Gabon jusque dans les années 2000.
Les langues de communications sont le Français, le Lingala et le Kituba (encore appelé « Kikongo »).
La population et les infrastructures de transport : le Congo Brazzaville est classé 176° en indice de développement humain (IDH= 0,60 en 2016). Les taux d’alphabétisation en Français sont de 80,9 % (2015). Les taux de natalité et de mortalité sont respectivement de 35.10 et 9,7 pour 1000. L’espérance de vie est de 64,30 ans (2016). L’UNICEF estime qu’au moins 26 % des enfants de moins de 5 ans sont victimes de malnutrition chronique, 14 % d’insuffisance pondérale et 7% de maigreur.
La population est jeune, et plutôt concentrée dans les villes. Brazzaville la capitale administrative compte 1,8 millions d’habitants (2017) et Pointe-Noire la capitale économique, ville portuaire et pétrolière est de 1,16 millions d’habitants. Les fonctionnaires retraités sont à plus de 18 mois de retard de pension, et les employés des collectivités locales de l’intérieur du pays sont à plus de 30 mois de retard de salaires.
Les infrastructures routières sont constituées de deux grands axes routiers : la route nationale 1 (RN1 ou route du sud), longue de 520 km environ, relie Brazzaville à Pointe-Noire ; elle a été bitumée de 2008 à 2016. La route nationale 2 (RN2 ou route du nord) longue de 850 km relie Brazzaville à Ouesso (bitumée de 1976 à 1985).
Le chemin de fer est constitué de deux axes : Brazzaville – Pointe Noire en passant par Dolisie (512 km, construit de 1921 à 1934), et un embranchement qui relie Dolisie à MBinda à la frontière avec le Gabon (285 km, construit de 1959 à 1962) permettait d’évacuer le manganèse et le bois du Gabon jusque dans les années 2000.
Les langues de communications sont le Français, le Lingala et le Kituba (encore appelé « Kikongo »).
Le pétrole offshore représente plus de 70% des recettes de l’Etat, et est exploité par TOTAL (le plus important producteur, 60% officiellement), ENI, Exxon Mobil et Chevron-Texaco au large de Pointe-Noire dans l’océan Atlantique. Une production estimé à 105 millions de barils en 2011 qui s’est effondrée à partir de 2016, provoquant le départ de plus de 75% des expatriés européens et la faillite de nombreuses petites et moyennes entreprises.
Le taux de chômage pourrait frôler la barre de 46% de la population. La production pétrolière officielle actuelle est de 350 000 barils de pétrole par jour.
Le pays a connu deux épisodes de guerre civile meurtrière, en 1993 puis 1997-2000 qui ont dévasté les systèmes de santé et d’éduction. Englué dans une dette estimée à 10,7 milliards de dollars (117% du PIB), le Gouvernement a conclu en juillet 2019 un accord avec le Fond Monétaire international de 448,6 millions de dollars (399 millions d’euros) avec libération d’une première tranche 44,9 millions de dollars. La suite est conditionnée par la réduction d’une corruption endémique et l’amélioration de la gouvernance.
Une histoire vécue représente bien les faillites du système de santé
En novembre 2019, le représentant à Brazzaville d’une OSIM membre de CAPCOS (*), cadre de la fonction publique, a été victime d’une hernie discale lui paralysant le pied droit. Transporté au plus grand hôpital de Brazzaville, le CHU appelé couramment « l’Hôpital Général », les médecins lui prescrivent un scanner (IRM). Des 3 scanners de la ville, un seul était en état de fonctionnement : celui d’une petite clinique privée située près du CHU. Le malheureux patient venait d’avoir 60 ans, c’est-à-dire l’âge de la retraite d’office. Il s’est donc retrouvé sans ressources, son dossier de demande de prolongation de deux années supplémentaires déposé un an plus tôt à la demande de son ministère de tutelle, n’avait pas été signé par le ministère des finances. Comme d’habitude la solidarité familiale de la diaspora de France s’était organisée pour lui venir en aide. Après le scanner, deux des trois médecins traitants firent pression pour qu’il accepte une opération chirurgicale, tandis que le troisième (le chef hiérarchique) préconisait d’attendre d’abord l’effet des médicaments administrés. Coût de l’opération 1 700 000 CFA (2 590 €). Le malheureux avait beau clamer son dénuement, donc son incapacité à trouver une telle somme, les deux médecins sont revenus sans cesse mettre la pression pendant 7 jours, en l’absence de leur supérieur hiérarchique. Les donateurs de la diaspora furent prévenus par d’autres médecins de tout faire pour éviter l’opération chirurgicale car, le CHU de Brazzaville, devenu « C-Hache tUe » , il n’en sortirait pas vivant compte-tenu du sous-équipement, de l’insuffisance des compétences et des conditions déplorables d’exercice.
Fort heureusement, sa jambe commença à reprendre des forces. Le Médecin-chef lui prescrivit des séances de kiné et le renvoya chez lui après 15 jours d’hospitalisation. La pauvreté l’avait donc sauvé d’une mort presque programmée, susceptible d’être provoquée par la cupidité d’une partie de l’équipe soignante, qui pensait plus à assurer les recettes de la survie quotidienne, qu’à préserver la santé des malades (une situation très courante là-bas, aux dires de beaucoup de personnes). La solidarité de la diaspora de France avait aussi joué son rôle d’amortisseur des souffrances des populations.
Dès l’annonce par le gouvernement de la date de début du confinement, planifiée au le 1er avril 2020, il a été observé un grand mouvement de déplacement des populations de Brazzaville et Pointe-Noire vers l’intérieur du pays, les villages. De nombreuses personnes ont pris d’assaut les bus et autres moyens de déplacement. Les phrases entendues « au village au moins, on peut manger. Pour la santé on s’en remet à Dieu ».
Dès que les premiers cas de décès du COVID-19 ont été connus fin mars, les pouvoirs publics ont instauré le confinement et le couvre-feu. Mardi 1er avril, premier jour de confinement, le Congo déplorait officiellement 22 cas de COVOD-19 dont 2 décès. Les populations parlent de « villes mortes » : pas de circulation de voitures, de taxis, de petits bus privés appelés « Foula-Foula ou Cent-Cent », référence au prix du billet pratiqué naguère à l’instauration du système. Seuls véhicules autorisés dans Brazzaville et Pointe-Noire, les grands bus de la Mairie, appelés « les mal-à-l’aise » (qui ne circulent pas dans tous les quartiers), les motos, les bicyclettes, « les pousse-pousse » (une sorte de chariots à 2 roues poussés à la force des bras ; habituellement utilisés en ville pour transporter des marchandises sur de très courtes distances et à moindre coût, transportent actuellement les personnes, faute de taxis), et bien entendu les véhicules des militaires et policiers, des autorités et quelques rares ambulances. Fermeture des débits de boissons, des lieux de culte et des marchés au tout début (la principale activité des populations et source de revenu quotidien pour survivre). Heureusement que les marchés ont été réouverts après deux semaines, pour les lundi, mercredi et vendredi, peut-être en raison de la multiplication des pillages nocturnes des épiceries à Brazzaville. Liaisons interrompues entre les villes. Pour circuler dans la ville en voiture particulière, il faut obtenir un laisser-passer délivré par les mairies d’arrondissements à Brazzaville. Deux semaines après, cette prérogative a été recentralisée à la direction générale de la police, située au centre-ville. Il est devenu pénible pour les populations de la périphérie, de se rendre à pied au centre-ville pour obtenir un laisser-passer qui permet d’emmener ensuite un malade à l’hôpital.
Dans les villes moyennes du Congo, il n’y a pas de bus « mal-à-l’aise ». Lorsque nous avons posé la question du confinement aux représentants de nos OSIM, ils nous ont répondu : « ici les policiers et gendarmes veillent au respect des consignes, pas de voitures particulières, laisser-passer obligatoire pour circuler même à moto, pas plus de trois passagers dans une « voiture-taxi » ou « voiture-bus » appelé « cent-cent ». Y a-t-il port de masque ? Non.
En France, le confinement a été instauré pour casser la vitesse de propagation du virus afin d’éviter la saturation du système sanitaire de réanimation. Au Congo le confinement a été instauré pour un mois et prolongé jusqu’au 9 mai, dans l’espoir d’enrayer très tôt la progression du virus car le système de santé de réanimation est inopérant, presque inexistant.
Une expression fait fureur actuellement dans certains quartiers de Brazzaville. Le COVID-19 a donné naissance à trois autres virus tout aussi virulents : « la pochevide-20 », « le frigovide-20 » et « le ventrevide-20 ». Les symptômes observables sont : « douleurs abdominales », « pleurs des enfants » et « colère généralisée dans le foyer ». Le traitement prescrit : l’argent et la nourriture.
Afin de remonter le moral de nos interlocuteurs au téléphone, il nous arrive de leur faire observer que la proportion de population âgée de plus de 75 ans est très faible et qu’il y a peu de comorbidité de type diabète, insuffisance rénale et difficulté respiratoire dans les couches populaires de la société. Bien que l’hypertension et l’asthme soient plus fréquents, les individus âgés de plus de 60 ans sont issus d’une sur-sélection naturelle, donc sont des forces de la nature. De là viendra peut-être le salut, en association avec le confinement s’il ne dure pas trop longtemps.
L’association des commerçants Mauritaniens du département de la BOUENZA a offert au Préfet, samedi 18 avril, des denrées alimentaires d’une valeur de 4 000 000 FCA (6 098 euros) à distribuer aux populations vulnérables : riz, huile d’arachide et savon. Il faut souligner que le commerce de détail est entièrement aux mains des Libanais, Mauritaniens et ressortissants de l’Afrique de l’ouest. Un héritage de la période communiste du pouvoir politique (1969 – 1992) qui interdisait l’exercice de toute activité capitaliste aux Congolais. Le département de la Bouenza est le 4è foyer de peuplement du Congo avec 310 000 habitants environ.
Les quelques images (ci-dessous) illustrent le travail de l’OSIM ASU (Association de Solidarité Universelle) membre de CAPCOS qui mène actuellement des actions dans un quartier populaire de Brazzaville. L’association organise la confection artisanale de masques avec le tissu WAX (non sanitaire) et leur distribution, la mise à disposition de patron de confection pour la fabrication de masques. En partenariat avec d’autres OSIM françaises, elle met en place la distribution de kits alimentaires.
Bien entendu, d’autres associations et quelques personnalités tentent de soulager, ici et là, la grande détresse dans les quartiers populaires des deux grandes villes. Mais ce ne sont que des gouttes d’eau dans un océan de misère. Alors, les populations sont lasses en cette fin de mois d’avril, et dans certains endroits, les consignes du couvre-feu et du confinement sont de moins en moins respectées, en dépit d’une présence policière importante. Aux injonctions des policiers, certaines vendeuses le long des rues rétorquent : « à quoi bon mourir de faim pour préserver une vie de misère ? ».
Chronique rédigée par : Ernest Moussoki, Président de CAPCOS, Coordination d’Appui aux Projets de Solidarité Internationale pour le Congo Brazzaville
Comité de rédaction : Chadia Arab, Benoit Mayaux, Jacques Ould Aoudia, Patrick Rakotomalala
Mise en forme et communication : Randa Chekroun, Pierangela Fontana
Les propos contenus dans la présente publication n’engagent que leurs auteur.e.s