FORIM

Les femmes des diasporas demandent l’égalité et plus de reconnaissance de leurs contributions au co-développement

08 mars 2024

A l’occasion de la célébration de la journée internationale des droits des femmes, le FORIM, réseau des diasporas solidaires, rappelle le rôle crucial qui est joué par les femmes migrantes et de la diaspora dans le co-développement et appelle les pouvoirs publics à des politiques publiques plus ambitieuses face aux défis qu’elles rencontrent.

Les femmes des diasporas :  des actrices majeures de la solidarité internationale et de la cohésion sociale

Dans l’imaginaire collectif, l’archétype du « migrant » est souvent attaché à la main d’œuvre de travail masculine ayant immigré pour subvenir aux besoins de sa famille restée au pays. Or, la réalité en est toute autre et la figure de la personne migrante a considérablement évolué depuis ces profils observés dans le contexte des années 1970 en France.

Selon les chiffres de l’Organisation Internationale pour les Migrations en 2020, les femmes représentent plus de la moitié des personnes migrantes dans le monde (51,9 %)[1] – une tendance également observée en France[2]. Ces chiffres témoignent du rôle précurseur joué par les femmes qui décident, pour un ensemble de raisons relevant de la liberté individuelle, d’entreprendre un nouveau projet de vie dans un autre pays.

Or, les femmes des diasporas contribuent directement au co-développement dans le double espace, via des projets mis en œuvre dans leur pays d’origine et leur pays d’accueil. Vectrices d’échanges interculturels transfrontaliers, elles font souvent le lien entre les sociétés d’ici et de là-bas et jouent à ce titre le rôle d’ambassadrices de dialogue et de paix. Leurs contributions sont multiples : elles stimulent l’économie des pays d’origine en portant des projets d’entreprenariat et contribuent à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) en menant des initiatives qui bénéficient aux femmes et aux jeunes filles. En France, leur rôle a été souligné notamment durant la pandémie de Covid-19, lors de laquelle elles se sont illustrées comme des chainons indispensables du maillage social et économique du pays.

Des femmes des diasporas toujours confrontées à une série d’obstacles contraignant leurs actions et limitant leurs droits fondamentaux

Par leur double appartenance à des catégories minoritaires liées à leur origine étrangère et leur genre, les femmes des diasporas se situent à l’intersectionnalité d’une série de discriminations.

Pendant leur parcours migratoire, les femmes et les filles sont surexposées à de multiples violences (physiques, psychologiques, administratives, économiques et sexuelles) qui peuvent perdurer une fois arrivées dans le pays d’accueil. De ce fait, elles n’ont pas un accès équitable aux droits fondamentaux indispensables à leur épanouissement personnel (éducation & formation, logement, santé sexuelle et reproductive, emploi, etc.). En tant que personnes étrangères, les femmes des diasporas sont également exclues de certains droits fondamentaux dont ceux liés à la participation politique et au droit de vote. Elles sont ainsi reléguées à un statut de « citoyennes de seconde de zone », ne pouvant pas exprimer leur opinion politique et leurs choix d’orientations collectives au sein de la société.

Du fait de l’ensemble des violences symboliques qu’elles subissent en raison de leur identité de genre et leur origine étrangère cumulées aux inégalités structurelles qu’elles subissent dans l’accès aux droits et services de bases, on observe chez les femmes des diasporas un taux de chômage deux fois plus élevé que celui des femmes sans ascendance migratoire[3].

Le FORIM appelle les pouvoirs publics à adopter des politiques publiques plus ambitieuses en faveur des femmes des diasporas

Alors que le gouvernement a renouvelé son engagement d’inscrire l’égalité femmes/hommes comme grande cause du quinquennat[4] et affiche régulièrement sa volonté de défendre une diplomatie féministe[5], le FORIM appelle les pouvoirs publics à plus de cohérence et à transformer ces ambitions en actions concrètes, pour enfin changer le quotidien des femmes desdiasporas :

Participation politique et citoyenneté

Le FORIM encourage l’adoption de la proposition de loi constitutionnelle n°1982 déposée à l’Assemblée nationale le 8 décembre 2023 pour « accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers et étrangères non ressortissantes de l’Union européenne résidant en France ». Cette proposition de loi constitue un progrès attendu depuis de longues années par les personnes migrantes en France désirant être reconnues comme des citoyen.ne.s à part entière[6]. Nous appelons également les pouvoirs publics à renforcer la place des femmes des diasporas dans les espaces de consultation et de codécision des politiques dans une logique de démocratie participative effective. Cette participation est d’autant plus décisive dans les processus d’élaboration des politiques publiques visant l’égalité femmes/hommes et les politiques migratoires. Nous regrettons à cet égard l’absence des femmes migrantes dans les débats accompagnant l’adoption de la loi du 26 janvier 2024 pour « contrôler l'immigration, améliorer l'intégration » à laquelle nous nous sommes fermement opposés. 

Formation et insertion professionnelle

Les perspectives d’intégration socio-économique des femmes des diasporas dépendent intrinsèquement de la reconnaissance de leurs diplômes et expériences professionnelles en France. Or, beaucoup de personnes étrangères en France font l’objet d’un processus de déclassement professionnel du fait de l’absence d’équivalence officielle de leurs parcours et savoir-faire acquis à l’étranger. C’est pourquoi le FORIM milite pour la reconnaissance des compétences des femmes migrantes afin qu’elles puissent révéler leur plein potentiel et atteindre des objectifs professionnels à la hauteur de leurs attentes et capacités. Nous invitons aussi à soutenir les initiatives entrepreneuriales des femmes des diasporas en facilitant leur accès à des mécanismes de financement inclusifs, tels que les prêts à faible coût et les subventions. Encourager l’accès à de tels mécanismes financiers contribuera à briser les barrières économiques, stimuler l’entrepreneuriat féminin mais aussi autonomiser de manière significative les femmes.

Appui aux initiatives de la société civile agissant pour le genre 

Pour que les organisations de la société civile puissent continuer à mettre en œuvre leurs actions en faveur des ODD (notamment l’ODD n°5 visant l’égalité de genre[7]), nous appelons les pouvoirs publics à maintenir leur financement inconditionnel. Cela nécessite de pérenniser et élargir les fonds de soutien tels que le Fonds de soutien aux organisations féministes[8], et de renforcer l’accessibilité de tels fonds aux petites organisations. A ce titre, nous dénonçons la tendance actuelle visant à incorporer progressivement de la conditionnalité dans l’accès à ces financements sur des critères externes aux règles et aux procédures de candidature formelles (injonction au positionnement politique, à l’adhésion à certaines valeurs, etc.). Tout comme pour l’aide publique au développement, nous militons pour que les politiques publiques de solidarité internationale ne soient pas détournées de leurs objectifs initiaux de réduire les inégalités et d’atteindre les ODD.

Sensibilisation et changement des représentations

Pour que l’égalité femmes/hommes soit réellement atteinte, il est indispensable de mener un travail sur les mentalités et les représentations collectives autour du genre et de la migration. Nous encourageons donc les pouvoirs publics à impulser des campagnes de sensibilisation visant à lutter contre les stéréotypes de genre et les préjugés associés aux femmes des diasporas. Via des partenariats avec des acteur.trice.s issu.e.s de la société civile, du monde de la recherche et des médias, il nous semble crucial aujourd’hui d’apporter un éclairage multi-dimensionnel sur les contributions positives des personnes migrantes. Ce travail de sensibilisation semble d’autant plus important aujourd’hui pour faire face à la propagation des idées d’extrême droite toujours plus hostiles aux principes d’égalité et mettant en péril les fondamentaux de notre démocratie.


[1] https://www.migrationdataportal.org/fr/themes/sexospecificites-et-migration

[2] https://www.histoire-immigration.fr/societe-et-immigration/quelle-est-la-part-des-femmes-dans-l-immigration-en-france

[3] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6793274?sommaire=6793391

[4] https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/toutes-et-tous-egaux-plan-interministeriel-pour-legalite-entre-les-femmes-et-les-hommes-2023-2027

[5] https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/diplomatie-feministe

[6] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1982_proposition-loi#

[7] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/gender-equality/

[8] https://www.afd.fr/fr/fonds-de-soutien-aux-organisations-feministes-fsof

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